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Série Café virtuel de l'EFPC : Le futur du travail, une conversation avec Armine Yalnizyan et Gary Bolles (TRN5-V15)

Description

Cet enregistrement d'événement présente une conversation avec Armine Yalnizyan et Gary Bolles, éminents experts de l'avenir du travail, sur les répercussions durables de la pandémie de COVID-19 pour les travailleurs, les conséquences de l'automatisation et l'avenir économique.

Durée : 01:02:30
Publié : 23 février 2021
Type : Vidéo

Événement : Série Café virtuel de l'EFPC : Le futur du travail, une conversation avec Armine Yalnizyan et Gary Bolles


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Série Café virtuel de l'EFPC : Le futur du travail, une conversation avec Armine Yalnizyan et Gary Bolles

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Transcription : Série Café virtuel de l'EFPC : Le futur du travail, une conversation avec Armine Yalnizyan et Gary Bolles

Bonjour, Je m'appelle Taki Sarantakis. Bienvenue au café virtuel de l'École de la fonction publique du Canada, où vous aurez un vrai café, mais aussi une conversation virtuelle. Aujourd'hui, nous allons parler de quelque chose qui nous concerne tous : l'avenir du travail. L'avenir du travail est l'un des sujets les plus importants avec lesquels nous devons composer en tant que fonctionnaires. Aujourd'hui, nous allons nous régaler. Nous pourrons écouter deux grands penseurs à ce sujet. Tout d'abord, Armine Yalnizyan, qui est membre de l'Atkinson Foundation, l'un des principaux groupes de réflexion au Canada, notamment en matière de politique sociale, de travail, de famille, etc. Et elle est avec nous aujourd'hui à Ottawa. Et il y a Gary Bolles, président des travaux sur l'avenir du travail à la Singularity University. Gary vit à San Francisco, mais aujourd'hui il nous parlera de Washington.

Aujourd'hui, la séance va durer environ une heure. Vous pouvez poser des questions. Il y a une petite icône sur votre écran, une sorte de main levée qui vous permet de poser des questions. Vos questions seront ensuite intégrées dans un flux et nous les aborderons lorsqu'il sera naturel de le faire au cours des discussions. Ensuite, nous essaierons simplement d'apprendre et de nous amuser un peu. Donc, de nouveau, dans un café virtuel, rappelez‑vous que les règles sont les suivantes : on parle de politiques, mais pas du domaine de la politique en général, et on parle d'idées et pas de partialité. Environ 1 500 de vos collègues fonctionnaires participent à la séance aujourd'hui, ce qui témoigne de l'importance et de la pertinence de ce sujet pour nous tous. Sur ce, je vais passer la parole à Armine pour qu'elle nous donne quelques pistes de réflexion, puis à Gary. Ensuite, nous commencerons la conversation. Armine, la parole est à vous.

Merci beaucoup, Taki. Je suis très heureuse d'être à nouveau parmi vous. J'ai déjà fait partie de l'École, et je dois dire que l'une des choses que j'ai aimées dans mon travail au Bureau du sous-ministre d'EDSC (Emploi et développement social Canada) pendant le processus de planification à moyen terme, c'était la façon dont les hauts fonctionnaires et les personnes qui les soutenaient regardaient l'avenir proche avec des données et une intelligence remarquable sur la façon dont nous pouvions faire des simulations de crise. Et l'une des choses auxquelles nous ne pensons pas souvent quand nous pensons à l'avenir, habituellement, nous pensons aux robots qui grignotent tous les emplois, mais ce à quoi nous ne pensons pas souvent quand nous pensons à l'avenir du travail, ce sont les grands éléments prévisibles. L'élément prévisible numéro un est la démographie. Globalement, la population du Nord vieillit, et le vieillissement de la population amène une nouvelle série de tensions et, en réalité, d'occasions sur le marché du travail. Au début de la pandémie mondiale, le taux de chômage était au plus bas depuis un demi-siècle, en partie parce qu'il y avait moins de personnes qui entraient sur le marché du travail et plus de personnes qui en sortaient. C'est le résultat de la combinaison du vieillissement des travailleurs et de la baisse des taux de fécondité. Et c'est le cas depuis des décennies.

Nous pouvons donc constater que ce train avance vers nous de manière très régulière au fil des décennies. Nous ne nous sommes pas vraiment préparés à cela. Il semble que nous soyons surpris par la lenteur, c'est-à-dire la croissance lente ou l'absence de croissance, qui fait partie de cette histoire. Et nous sommes constamment surpris par ce qui semble être des pénuries endémiques de main-d'œuvre. Je vous garantis qu'il pourrait être difficile de penser à autre chose qu'au chômage pendant les deux prochaines années, mais l'autre aspect de la pandémie, ce à quoi chaque région du Canada devra faire face, ce sont les pénuries endémiques de main-d'œuvre. Et cela conduit à une intervention politique qui exige de traverser les voies ministérielles. Cela se fera avec l'immigration. Cela se fera grâce au développement des compétences. Cela touchera même les politiques commerciales. Et cela demandera un ensemble cohérent de politiques, ce que nous n'avons pas pour l'instant.

Cette intervention politique comporte un élément imprévisible, à savoir : quel est le meilleur moyen de réagir aux pénuries de main-d'œuvre entre la mise à niveau des personnes, donc le développement des compétences, et l'immigration? Et, pour ce qui est des compétences, je tiens à dire que le vieillissement de la population représente une occasion remarquable de donner corps à l'idéal louable d'une croissance inclusive. C'est l'occasion d'intégrer les populations marginalisées et d'offrir à tous de meilleures possibilités d'apprentissage et de meilleures rémunérations. Mais notre histoire porte sur l'importation de la solution à nos problèmes de pénurie de main-d'œuvre et là, l'immigration n'est pas la seule réponse. Les nouveaux arrivants se présentent sous deux formes. Ils viennent en tant que résidents permanents qui s'installent et font leur vie au Canada ou bien en tant que travailleurs étrangers temporaires. Au fil du temps, il n'est pas seulement question du programme des travailleurs étrangers temporaires d'EDSC, mais de l'éventail des programmes de mobilité internationale que nous avons mis en place au fil des ans. Actuellement, nous faisons entrer trois résidents temporaires pour chaque résident permanent que nous laissons entrer dans le pays. Pour un pays qui veut bâtir son avenir sur les nouveaux arrivants, c'est une façon très difficile de bâtir une communauté. On s'attaque peut-être à la pénurie de main-d'œuvre, mais on ne crée pas de communauté en faisant cela. Nous devons donc avoir une conversation franche sur la façon dont nous allons bâtir l'avenir du Canada.

Maintenant, j'ai mentionné deux choses : la démographie et les pénuries de main-d'œuvre qu'elle entraîne et deux interventions politiques – temporaire et permanente... les nouveaux arrivants et le développement des compétences. Ce que je n'ai pas mentionné, c'est le grand élément imprévisible, qui est l'incidence de la technologie. Les changements technologiques remodèlent et recomposent toujours la base industrielle et professionnelle sous-jacente d'une économie. Et la technologie ne fait que dissocier les tâches des emplois. Cette fois, toute une série de technologies numériques est en train de changer. Les chaînes d'approvisionnement, la façon dont on externalise ou internalise le travail, la façon dont on remplace réellement la main-d'œuvre et, pour la première fois, les professions jusqu'ici épargnées par la mondialisation ne le sont plus. Ainsi, la technologie gravit l'échelle des compétences et des salaires vers des professions comme la traduction, les diagnostics médicaux, et même vers des professionnels comme les comptables, les avocats, les ingénieurs ou les architectes. Cela a d'énormes répercussions sur ce que nous disons à nos élèves d'étudier. Et la façon dont nous étudions est également susceptible d'évoluer en raison de diplômes d'études supérieures de longue durée ou à une formation en cours d'emploi. Tout cela constitue un chapitre qui n'a pas encore été écrit. J'ai hâte de discuter de ces énormes répercussions sur la façon dont nous concevons de grandes politiques publiques pour bâtir un meilleur Canada dans les années à venir.

Merci Armine. Superbe mot d'ouverture. Gary, essaie de faire encore mieux.

Bien. Vous nous avez donné une formidable vue d'ensemble. Donc tout ce que je peux faire c'est d'affiner un peu les choses. Je tiens aussi à vous remercier pour l'invitation, Taki. Je suis déçu de ne pas pouvoir être vraiment à l'École à Ottawa. Je pense que la dernière fois que j'y suis allé, c'était quand tout le monde était confronté à une pluie digne du déluge décrit dans la Bible et que la rivière débordait, c'était donc un moment assez unique. Je suppose qu'on pourrait dire qu'ici aux États-Unis, nous avons un exemple métaphorique similaire. Vous avez peut-être entendu dire qu'une élection est imminente. Je ne sais pas si vous en avez entendu parler, mais...

Vraiment?

Oui. Oui. On n'en parle pas beaucoup. Donc, je pense que je vais aborder les choses d'une manière légèrement différente. En mars dernier, j'ai écrit un article intitulé « The Great Reset » (la grande réinitialisation). Il a été publié sur Techonomy.com. Ce que j'essayais d'expliquer, c'est que si on aborde certains des problèmes précédents que nous avons connus sur le plan économique et sociétal, il semble y avoir trois phases. Il y a là une sorte d'effondrement. Nous ne savons pas où cela va s'arrêter, il y a juste une profonde incertitude. Il y a une désintégration jusqu'à la phase inférieure, ensuite nous essayons de reconstruire, puis il y a, une troisième phase où nous bâtirons un monde meilleur, espérons-le, en tout cas un monde différent. Il n'y a pas de retour à la normale. Il s'agit d'une nouvelle normalité ou, dans le cas présent, probablement d'une nouvelle anormalité.

Donc, ce que j'ai dit pour la phase deux, qui est la phase que beaucoup d'économies et de sociétés dans le monde connaissent actuellement, c'est que ce sera essentiellement un ensemble d'éléments heuristiques différents sur nos façons de réagir. Et dans certains endroits, on va vaincre le virus. On va reconstruire l'économie très rapidement. On va faire en sorte que les gens restent employés, que beaucoup d'entreprises restent ouvertes, etc. Et dans d'autres endroits à l'autre bout de l'échelle, nous entrons dans cet ensemble d'éléments heuristiques en constante évolution. Les lumières s'allument. Non, les lumières s'éteignent de nouveau. Et donc, à cause de toutes ces différences, on remarque tous ces effets de ricochet massifs sur l'ouverture ou la fermeture d'entreprises et la disponibilité ou non de travail. Et ce qui s'est passé, bien sûr, c'est que le fossé ne fait que se creuser. Ce sont les moins favorisés qui sont les plus désavantagés. Ce sont eux qui restent le plus longtemps sans emploi. Ce sont eux qui sont les plus découragés dans leur recherche d'emploi. Et c'est ainsi que l'on obtient ces disparités très importantes entre l'offre et la demande.

Et puis en plus, vous avez ces accélérateurs dont parlait Armine. Donc la technologie, c'est, vous savez, la Singularity University, c'est un peu l'endroit où nous vivons. Nous avons un groupe de génies dans le monde entier qui sont tous des experts dans tous les domaines, de la médecine de la prochaine génération à l'intelligence artificielle. Et j'arrive à tirer de leur réflexion sur certaines des répercussions de leurs forums sur l'avenir du travail, l'avenir de l'apprentissage et l'avenir de l'organisation. Ce qui est assez clair, c'est que la grande réinitialisation a eu des répercussions assez importantes sur nous. Je viens d'organiser pour Singularity hier, un salon avec le World Data Lab sur le monde en 2030. Et nous avons fait un tas d'analyses rétrospectives en nous basant sur les données qu'ils ont, ce qui est assez époustouflant. Il est assez clair que nous avons perdu au moins deux ans de lutte contre la pauvreté mondiale, si ce n'est plus. Environ trois milliards et demi de dollars du PIB mondial, ce qui n'est bien sûr pas ma mesure préférée, mais nous n'en avons pas qui soient beaucoup plus efficaces. Vous saviez que le déséquilibre géographique allait se poursuivre, c'est‑à‑dire l'incidence sur la demande dont parlait Armine. Il y aura des endroits où il y aura beaucoup de gens qui seront disponibles pour travailler, mais le travail est ici.

Et donc, ce que nous avons vu précédemment et qui sera, je l'espère, l'un des points à retenir, c'est qu'en fait il y a des talents partout et si on rejette tout ce modèle de ce que j'appelle la gestion par surveillance, et si on peut effectivement avoir des talents à l'endroit en question, cela pourrait réellement contribuer à laisser des gens. On peut avoir réellement une incidence importante, espérons-le, sur la satisfaction des besoins en matière de demande. Les choses dérapent si on n'a pas un bon flux d'immigrants talentueux, parce qu'en fait, cela permet de prendre en compte ce facteur. On n'a pas fermé le robinet, on a pris un marteau pour le faire. Ce sera donc l'un des grands défis à relever pour trouver une solution à ce problème. Pas seulement en ce qui concerne la réserve de talents bruts, mais aussi la destination des talents.

Et puis en ce qui concerne l'éducation, vous savez, j'ai produit une conférence. J'ai coproduit une conférence sur l'avenir de l'enseignement supérieur il y a dix ans. J'ai écrit un article intitulé « Unbundling Higher Education » il y a sept ans. Nos prémisses de base étaient, encore une fois, tout comme Armine le disait, qu'il y a beaucoup de dissociation en cours. Beaucoup de choses d'autrefois : les emplois, les diplômes et les choses que nous avions l'habitude d'associer et de présenter comme ayant une valeur économique. Quand on commence à tout pulvériser, il y a des répercussions très, très claires sur le travail, l'apprentissage, etc. En tant que journaliste sur le retour, j'ai de nombreux exemples de ce qui s'est passé il y a 25 ans, lorsque nous avons documenté la dissociation de l'ensemble de notre industrie. Et il s'avère que cela correspond assez très bien à d'autres industries. Et ce qu'on ne cesse de voir, c'est qu'Internet fait disparaître le milieu. Autrement dit, les retours augmentent en ce qui concerne les effets du travail qui constituent un avantage et ceux qui ont une incidence sur le capital et les ressources au sommet et à la base de la pyramide. L'écart se creuse.

Je pense donc que nous aurons, Armine et moi, des points de désaccord, mais je pense que nous sommes en général d'accord sur beaucoup de ces choses. Ce sont des effets d'inertie et nous devons avoir la combinaison de politiques et de pratiques qui nous aide à les surmonter, sinon nous savons ce qui nous attend dans cinq ans, des répercussions encore plus importantes.

Oui. C'est formidable. Cela touche donc la plupart des grandes choses dont nous voulons parler. J'aimerais mettre un peu de côté la COVID et la pandémie, autant que possible en octobre 2020, parce que cela imprègne toutes nos conversations. Nous en viendrons à la COVID, mais beaucoup de ces thèmes, comme vous l'avez tous les deux mentionné, étaient déjà présents avant la COVID et beaucoup de ces dynamiques se jouaient déjà. Je voudrais donc commencer un peu par la notion « d'économie des petits boulots », qu'on nomme aussi parfois « économie à la demande ». C'est un phénomène relativement récent, mais si on y réfléchit bien, il remonte en fait presque au début des temps. L'économie des petits boulots, c'est un peu comme la main-d'œuvre à la demande. C'est presque comme les travailleurs journaliers d'autrefois qui se pointaient quelque part et auxquels on disait : « Oui, j'ai du travail pour vous aujourd'hui. C'est huit dollars. Vous pouvez aller dans une entreprise de déménagement ou cueillir des fruits et légumes dans le secteur agricole, pelleter des allées ou encore faire du jardinage », etc.

Donc, ce qui s'est vraiment passé dans l'économie des petits boulots, c'est qu'en faisant cela, on met les choses sous stéroïdes, et c'est la dissociation et la pulvérisation dont vous avez parlé, Gary. Mais, Armine, cela a aussi de profondes répercussions en matière de politique publique. Nous avons en quelque sorte cligné des yeux et, alors que nous sommes assis ici aujourd'hui, environ 10 % de l'économie canadienne, ou plutôt de la main-d'œuvre canadienne, fait partie de l'économie de petits boulots. Mais je pense qu'il est exagéré de dire que 10 % de notre cadre de politique publique pour ces personnes se trouve dans l'économie des petits boulots. Nous avons toujours... je pense qu'il est juste de dire qu'une grande partie de notre politique publique est basée sur la notion d'intégration à la population active, est basée sur le fait d'avoir un employeur, un seul employeur, sur le fait de travailler X semaines avant de pouvoir bénéficier de l'assurance chômage. Alors, Armine, parlez-nous un peu de l'économie des petits boulots et de politique publique, et puis Gary, je vais revenir à vous pour que vous nous donniez une vision américaine et une vision mondiale. Mais d'abord Armine, commençons par vous.

Oui. Merci pour la question, Taki. Comme vous le dites, l'économie des petits boulots est à la fois nouvelle et ancienne. Il est certain que les règles qui s'appliquent aux travailleurs occupant de petits boulots sont plus difficiles à appliquer. Les protections du travail sont donc pires et le roulement qui y est associé signifie que vous avez très peu de chances de pouvoir gagner correctement votre vie ou d'en demander davantage et de vous organiser. C'est un peu comme une impasse.

Il y a tellement de façons différentes de mesurer l'économie des petits boulots qu'elle pourrait bien représenter 10 %. Comme 2 %, ou encore 40 %. Nous avons différentes mesures selon la façon dont on définit le terme « petits boulots ». Mais ce qui est vrai partout et tout au long de l'histoire, c'est qu'à la suite de chaque récession, on constate une flambée de la demande de main-d'œuvre à la demande. Et cette fois, tout le monde a une application dans sa poche. Nous n'avons donc pas de politiques prêtes pour cette croissance de cet aspect du travail et nous ne savons même pas quelle est la base de départ parce que nous l'évaluons très mal. D'ailleurs, ce n'est pas seulement le problème au Canada. C'est comme si le monde se battait pour évaluer ce nouveau phénomène. Nous nous sommes appuyés sur nos statistiques officielles nationales, comme celles de Statistique Canada, pour tout savoir sur la population active. Nous ne posons même pas les bonnes questions.

Le problème de l'économie des petits boulots, c'est ce qu'il y a à côté, et donc comment gagner sa vie. Il n'est pas question seulement de travail. Même si on examine plusieurs emplois, il se peut qu'on ne saisisse pas ce qu'est l'économie des petits boulots, car elle est éparpillée. Elle divise les emplois en tâches. Ainsi, votre exemple, Taki, de travail journalier et d'embauche, bien qu'il soit vrai et que les plateformes ou applications sur votre téléphone soient une version d'une agence d'intérim, cela ne constitue pas un emploi, mais une tâche. Tout est divisé en tâches. Certaines tâches sont des micro-tâches. On est payé quelques sous pour déterminer ce qui se trouve dans une image afin de former l'intelligence artificielle. Chaque fois qu'on dit « Ce n'est pas une banane. C'est un éléphant ». On obtient un penny. On peut en faire beaucoup, mais on est payé par micro-tâche.

Nous avons donc affaire à deux choses avec l'économie des petits boulots. Le potentiel d'explosion de sa croissance sans une architecture de politiques publiques qui traite de la volatilité des revenus et de l'emploi d'un nombre croissant de personnes, probablement. Nous ne savons même pas cela. Et nous n'avons pas non plus de mécanismes pour les emplois autres que ceux des cols bleus. De plus en plus, comme je l'ai déjà dit, ces petits boulots gravissent l'échelle des compétences et des revenus et nous n'avons pas... nous avons des règles pour sous-traiter. Nous avons des règles pour l'internalisation par les travailleurs étrangers temporaires. Nous n'avons pas de règles pour : « J'ai besoin d'une vidéo. Je vais la faire faire. Ou j'ai besoin d'un site Web. Je vais le faire faire en Inde ou au Bangladesh parce que c'est beaucoup moins cher. » D'ailleurs, je connais des gens qui travaillent au gouvernement et qui ont fait cela. Sans y réfléchir à deux fois.

Nous formons nos ingénieurs en logiciels pour quels emplois à l'avenir? Par exemple, plus d'un million de nouveaux ingénieurs arrivent sur le marché du travail chaque année en Inde. Je ne vais même pas parler de la Chine. Si vous parlez l'anglais, si vous pouvez accomplir la tâche, si vous avez les qualifications ou la formation nécessaire pour accomplir la tâche, vous pouvez couper l'herbe sous le pied des meilleurs et des plus brillants ici. Nous avons donc un vrai problème, qui n'est pas seulement de savoir comment nous allons protéger ces personnes, mais aussi de savoir si les prix vont baisser plus vite que les salaires ou si les salaires vont baisser plus vite que les prix et cela fera toute la différence pour notre qualité de vie au cours des années à venir.

Gary, que pensez-vous de l'économie des petits boulots?

Donc, en fait... Je suppose que c'est un peu ironique pour moi de parler de l'avenir de l'éducation et d'avoir un tas de cours sur LinkedIn Learning avec environ un tiers de million d'étudiants parce que je n'ai jamais vraiment été au collège. Je n'ai quasiment aucune formation. Je ne suis pas allée au collège, j'étais travailleur temporaire. En réalité, j'étais une « Kelly girl », une femme qui occupait un emploi de bureau temporaire. Je travaillais pour Kelly Services. J'ai fait toute une série de boulots abrutissants à la fin de l'adolescence et au début de la vingtaine. Je savais... que je faisais partie de cette économie. Donc, oui. Cela existe depuis un certain temps déjà. C'est ce que nous appelons un travail non conventionnel. Et il y a deux ou trois choses qui sont vraies. Après la Grande Récession, la quasi-totalité des nouveaux emplois nets créés aux États-Unis étaient des emplois non conventionnels, ce qui représentait 97 % du total des nouveaux emplois créés. Jusqu'à la grande réinitialisation, plus de la moitié des personnes qui travaillaient pour Google étaient des travailleurs non conventionnels.

Cela donne donc à l'employeur une énorme flexibilité. J'étais au téléphone avec le Gardener Group et, en ce moment, tous leurs indicateurs montrent que du côté de la demande, c'est en gros ce que font un grand nombre de dirigeants principaux des ressources humaines, ils ne font qu'amplifier l'embauche pour des emplois non conventionnels. Les problèmes, comme le disait Armine, sont multiples. Les applications par exemple. Lorsque vous sortez votre appareil de distraction numérique et que vous appuyez sur un bouton, et que vous vous retrouvez soudain à construire une voiture pour emmener quelqu'un d'un point A à un point B. Ces entreprises ont toutes des mécanismes de conception très, très similaires. Il y a trois acteurs. Il y a l'offre, le conducteur. Il y a la demande, le client. Et il y a la plateforme. Deux des trois acteurs en question gagnent à tout coup : le client et la plateforme. Et il y a une pression constante à la baisse sur les salaires. Il y a des quarts de travail complètement hors normes. Ce travailleur individuel est confronté à tout un tas de défis. Le problème, c'est que nous avons tendance à avoir une mentalité et une façon de suivre les données et de réfléchir très binaires d'un point de vue politique. En d'autres termes, nous considérons soit que vous avez un emploi à plein temps, soit que vous faites de petits boulots, c'est tout. Et les défis que cela représente sont multiples. Les personnes qui font de petits boulots et qui travaillent six jours par semaine, 12 heures par jour, juste pour nourrir leur famille, peuvent ressembler énormément à l'étudiant qui vient de quitter le collège et qui veut juste un peu de travail avant de commencer un emploi à l'automne. Nous n'avons pas les moyens de suivre bien cela. Aux États-Unis, nous avons des données sur le travail encore pires que celles du Canada, je crois. Et parce que, encore une fois, c'est très binaire. Si vous avez un emploi qui convient, qui vous permet de travailler sept heures par jour contre huit heures par jour, vous ne faites pas l'objet du suivi d'un tas de statistiques sur le travail. Si vous n'avez pas cherché d'emploi et que vous dites simplement « Bonjour. Vous savez, je n'ai pas vraiment cherché au cours des six derniers mois ». Même si vous dites que vous vous considérez comme chômeur, vous ne faites même pas partie des statistiques.

Nous avons donc besoin de nouvelles mesures. Et je dis qu'il faut passer d'une pensée binaire à une pensée statistique floue. C'est-à-dire que nous devons avoir cette mentalité du degré d'appartenance de tout travailleur à un rôle de travail. Et le problème, c'est que la politique est un gros coup de massue. Nous avons l'AB5 en Californie, qui était une tentative d'essayer de mettre une certaine structure autour de cela et qui a essentiellement fait ce que, malheureusement, beaucoup de politiques à ce genre d'échelle font. Cela n'a pas plu à tout un tas de gens, des deux côtés. Je pense que nous devons repenser complètement la façon dont nous essayons de suivre cela. Selon moi, en réalité, c'est une occasion, mais le problème, c'est que nous ne faisons pas, certainement pas aux États-Unis, les démarches nécessaires pour pouvoir comprendre la complexité du sujet.

Donc, si je vous entends bien tous les deux, vous dites quelque chose qui est à la fois terrifiant et assez libérateur. Sur la relativité entre les types d'emplois et les tâches ou les compétences, sur le fait que les emplois disparaissent, mais que les compétences ou les tâches augmentent. Et c'est terrifiant à cause de l'idée que j'ai de la manière traditionnelle de l'intégration à la population active. Je vais à l'école. J'apprends quelque chose. Je m'intègre à la population active par l'intermédiaire d'un employeur ou au moins à un domaine d'emploi. Je deviens conducteur de camion même si je travaille pour différentes entreprises. Mais ensuite, c'est libérateur dans la mesure où je peux apporter le meilleur de ce que j'ai sur le marché du travail quand je le veux, quand cela me convient. Pas nécessairement au prix que je veux, mais je mets en quelque sorte aux enchères mon travail à la demande. Où chacun d'entre vous se situe-t-il dans le spectre libérateur à terrifiant de l'économie des petits boulots, et pourquoi? Armine, vous voulez commencer?

Bon, d'accord, Taki. Je ne sais pas. Comme tout ce que la COVID a révélé, c'est un choix. Comment nous décidons de mettre collectivement des règles autour d'un environnement qui s'agrandit. Ce que nous voulons savoir et ce que nous ne voulons pas savoir. Comment nous nous informons. Pour en revenir à la remarque de Gary sur la pensée statistique floue. J'ajouterais qu'il y a des statistiques officielles, plus des statistiques en temps réel, et que nous sommes allergiques à l'idée d'intégrer un tableau de bord qui contient des données exclusives ou même de demander aux entreprises de communiquer leurs données exclusives. Je dirais que puisque ces plateformes sont exploitées dans notre compétence, dans le respect ou au-delà des normes d'emploi des compétences dans lesquelles elles sont exploitées, elles nous doivent les données. Ce n'est pas une chose négociée. Nous ne devrions pas payer pour cela. Il faut nous montrer ce qui se passe. Ce devrait être la contrepartie de l'exploitation de ces plateformes.

Et ensuite, parce que le CRTC est l'organisme de réglementation pour tout... pour les fils et ce qui passe par les fils, nous devrions avoir un service qui s'occupe du droit contractuel. Quelles sont les conditions de service? C'est comme le Far West. Il n'existe presque pas de réglementation. Qui a droit à quoi? Et les seules personnes protégées par les conditions de service sont les applications, comme les plateformes, les fournisseurs d'applications. Les clients ne sont pas protégés et les travailleurs ne le sont certainement pas. Je pense donc que nous avons beaucoup à apprendre sur les technologies de régulation et de civisme. Sur l'utilisation de la technologie pour nous protéger et nous aider à concevoir des politiques publiques parce qu'il y a beaucoup de choses que nous ne comprenons pas.

Mais en ce qui concerne votre question : est-ce que je penche pour la flexibilité ou pour la terreur? Je pense qu'il se passe beaucoup de choses dans le monde en ce moment qui me poussent normalement vers la terreur parce que je vois le premier monde, quel que soit le nom que vous lui donnez, le Nord global, n'est-ce pas? Pouvoir voir la différence de salaire avec le Sud global qui diminue très rapidement et qui ne va pas diminuer parce que les salaires augmentent là-bas aussi vite que les salaires baissent ici. Je pense donc qu'il y aura potentiellement une certaine confusion, pour quoi disons‑nous à nos enfants d'étudier, dans quel but? La réponse était autrefois de se tourner vers les professions libérales, professions dans lesquelles il peut ne plus être possible de gagner sa vie maintenant. Il se peut que vous ne trouviez pas de travail, sans parler de gagner sa vie en tant que professionnel. Il y a des exceptions à cela, mais il est désormais beaucoup plus difficile de donner des conseils à nos propres enfants, et encore plus de concevoir des politiques publiques.

Voilà pour la partie terrifiante. L'espoir que j'ai, c'est de voir cet incroyable esprit d'élévation et de résistance au statu quo broyant les gens et que nous voyons partout dans le monde. Il n'est pas propre aux pays anglophones. Il n'est pas propre aux pays riches. Il est partout. Je pense que c'est un esprit du siècle un peu bizarre où il y a une demande démocratique de mieux. Je ne sais pas où cela va nous mener. Et, pour chaque pas en avant, il y aura certainement un pas en arrière, mais je pense qu'il y aura une conversation très intense sur ce que nous créons ensemble. Pas seulement ce qu'on peut faire pour soi-même et qu'on peut dire à son enfant de faire pour lui-même, mais ce que nous créons ensemble, par le biais des politiques publiques et de notre travail collectif.

Je pense donc que ce sera, que c'est un grand moment à vire parce que, selon moi, nous traversons un de ces moments que Gramsci appelle l'interrègne. Le statu quo est terminé. Terminée la façon dont le capitalisme fonctionnait auparavant, mais la nouveauté n'est pas encore arrivée. Nous sommes donc au milieu : comment allons-nous gérer tout cela? Nous pensions que ce moment était venu après la crise financière mondiale. Ce n'était pas le cas. Nous sommes plus que jamais revenus au statu quo. Nous ne savons pas clairement ce que nous allons faire juste après la COVID, mais la COVID n'en a pas fini avec nous et ce qu'elle laissera dans son sillage, c'est quelque chose que nous n'avons jamais prévu. La reconstruction va donc nous donner au moins des occasions de reconstruire mieux.

Gary, en avons-nous fini avec le capitalisme en ce qui concerne l'économie des petits boulots ou allons-nous vers un capitalisme sous stéroïdes?

Oui.

Oui.
C'est-à-dire une économie pleinement efficace, où on a fait remonter toutes les inefficacités possibles et où l'offre rencontre le travail et, comme vous l'avez dit, la demande rencontre l'offre, où deux des trois acteurs sont toujours gagnants.

Donc, vous avez vu plusieurs facettes différentes du diamant ici. Alors, laissez-moi juste les revoir. Donc, en ce qui concerne la dynamique de l'espace de travail et ensuite le capitalisme ou plutôt, la forme particulière de capitalisme que nous pratiquons dans le Nord global. Donc, du côté du travail d'abord, Taki et certains membres de l'École, je pense, m'ont déjà entendu, avec ce cadrage, mais juste pour le bénéfice des participant à la téléconférence. Un jeune sort aujourd'hui du collège, de l'école des métiers ou de l'école secondaire et trouve un emploi de jour, mais il conduit aussi la nuit pour Lyft et travaille sur une jeune entreprise avec ses amis, puis il prend un mois de congé avec ses amis et trouve un autre emploi, mais il fait également de la formation en ligne. L'environnement de travail, d'éducation et de loisirs est en constante évolution. Et j'appelle cela un portefeuille de travail.

Il s'agit donc d'une réponse rationnelle à un monde en évolution exponentielle. Les jeunes, maintenant vos parents me demandent tout le temps « pourquoi mon enfant ne trouve-t-il pas un vrai travail? » Essayer d'avoir des stratégies de protection est une réaction rationnelle à un monde incertain. Je ne sais pas ce qui va se passer. Je ne sais pas si je vais garder mon emploi. Je ne sais pas si ma jeune entreprise va bien fonctionner. Je ne le sais pas... mais les personnes qui vont bénéficier de cela, de cette division, ce sont celles qui ont la combinaison de la meilleure agence et du meilleur accès, n'est-ce pas?

Le défi est donc que tout le monde n'a pas d'agence ou d'accès, et c'est pourquoi nous avons ces effets d'inertie. Ceux qui peuvent réellement déchiffrer le code et le comprendre vont en tirer un bénéfice considérable. Pour ceux qui ne peuvent pas déchiffrer le code, par le passé, la pénalité était relativement faible. On pouvait travailler à l'usine pendant des décennies. On pouvait travailler à la mine pendant des décennies. Ce n'était pas un monde qui changeait de façon exponentielle. Le défi est donc de savoir si vous pouvez déchiffrer ce code et comprendre les éléments heuristiques de conception et, en plus de tout cela, si vous avez l'accès nécessaire. L'accès au capital si vous créez une entreprise, l'accès à une occasion de travail. Si c'est le cas, vous allez bien vous en sortir, mais nous ne pouvons pas concevoir un système pour les personnes qui vont bien s'en sortir.

La réponse est donc à la fois la flexibilité et la terreur. Je parle toujours des trois avenirs du travail : le scénario de l'abondance, le scénario de l'apocalypse en matière d'emploi, et puis un scénario où il y a les deux. En fait les deux, c'est ce qui est le plus probable, si nous ne bâtissons pas quelque chose de mieux, comme le dit Armine. Si nous ne piratons pas réellement ces marchés pour de bon de manière à modifier les modes de fonctionnement fondamentaux du capitalisme. Je vais juste donner un exemple, ici aux États-Unis, nous récompensons le capital plutôt que le travail. C'est fou, non? Si vous avez de l'argent, vous allez en gagner encore plus. Si vous travaillez plus dur, vous n'allez pas gagner plus d'argent que la personne qui en a déjà.

C'était très logique à l'époque où nous n'avions pas beaucoup d'usines et de routes, mais la dernière fois que j'ai regardé, j'ai vu que nous avions beaucoup d'usines et de routes. Pourtant, nous avons toujours ces éléments heuristiques de conception pour notre économie et des moyens qui garantissent l'effet d'inertie entraînant l'évaporation du milieu. C'est pourquoi je dirais que nous sommes prudemment optimistes. Je pense qu'Armine a raison. Nous allons regarder en arrière dans 10 ans et dire que c'était le moment où le bouton de réinitialisation a été enclenché. C'est alors que nous avons enfin eu l'occasion de faire accepter à tout un tas de gens, surtout d'un point de vue politique, le fait que nous avons conçu un système qui nous garantit un avenir dans dix ans dont nous ne voulons pas, ou du moins dont, espérons-le, la plupart d'entre nous ne veulent pas.

Oui. Donc, l'une des choses dont nous avons parlé indirectement, et cela nous amènera peut‑être à parler un peu de la COVID, c'est de la présence physique et de la façon dont il y avait autrefois des marchés du travail qui étaient attribués à certains espaces géographiques, physiques. Vous avez comme un bon marché du travail dans cet espace physique et comme un marché du travail pas si bon dans cet espace physique. Et je me souviens qu'à la fin des années 1980, alors que j'étais étudiant à l'université, j'ai oublié lequel de mes professeurs avait dit cela et je prononce beaucoup cette citation. Je suis désolé de ne pas me souvenir du nom de ce professeur, mais je me souviens de lui, et cela m'a frappé comme une tonne de briques à l'arrière de la tête quand ce professeur l'a dit. Il a dit « À l'avenir, si vous avez des compétences du tiers monde, vous aurez un style de vie du tiers monde, quel que soit l'endroit où vous vivez ». Il a ajouté : « Par le passé, l'endroit où vous viviez avait une grande influence sur votre mode de vie. Si vous aviez la chance de naître au Canada, aux États-Unis ou en Europe... Il y avait une sorte de loterie de naissance et cette loterie de naissance va disparaître à l'avenir parce que... le déterminant de votre vie passera du lieu de votre naissance à ce que vous savez et ce que vous pouvez faire, quel que soit l'endroit où vous vivez ».

Cela nous amène donc gentiment à une discussion sur les compétences. Je sais que vous êtes tous les deux dans le même cas, vous avez réfléchi profondément aux compétences et à l'apprentissage. Je vais commencer avec Gary sur ce point. Gary, je vais citer une chose que vous avez dite et qui m'a aussi frappé comme une tonne de briques, mais comme je suis plus âgé, je me souviens qui l'a dite et quand. Lors d'un événement que nous avons organisé à l'École de la fonction publique du Canada il y a quelques années, vous avez déclaré que « à l'avenir, tout apprentissage se fera juste à temps et juste dans le contexte ». Et j'aimerais que vous nous en disiez un peu plus à ce sujet. Cela signifie-t-il que je devrais retirer mes enfants de l'école? Que je ne devrais pas les envoyer à l'université? Vous savez, j'apprends ce qu'il faut savoir quelques instants avant d'avoir besoin de le savoir et je ne m'occupe pas de ce genre de compétences, d'apprentissage et de développement. C'est ce que vous nous disiez, Gary?

Je suis désolé si c'est ce qu'on a retenu. Encore une fois, je n'ai aucune autorité morale ici, ayant passé si peu de temps au collège, mais je vais vous dire le modèle en ce qui me concerne. Donc, tout d'abord, vous agitez une baguette magique, vous donnez à absolument tout le monde la possibilité de vivre cette expérience incroyable de partir pendant quatre ans pour la plateforme de lancement des jeunes adultes que nous appelons actuellement le collège, de grandir, de nouer des relations, d'apprendre à penser, de pouvoir nouer ces liens avec des mentors et des enseignants formidables, puis d'être lancé dans le monde du travail. Nous pourrions agiter une baguette magique et faire vivre cette expérience à tout le monde. C'est un monde merveilleux.

Aux États-Unis, un diplôme en arts dans un collège privé vous coûtera environ 250 000 dollars. Il existe donc un marché de plus en plus restreint de familles de la classe moyenne qui peuvent se le permettre, et c'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons un excédent de 1,6 trillion de dollars de prêts étudiants aux États-Unis. Il faut donc espérer que le message n'est pas que tout l'apprentissage se fera juste à temps et juste dans le contexte, mais plutôt que les asymétries du marché du travail dont nous parlons, c'est-à-dire qu'il y a tout un tas de demandes de compétences ici et qu'il y a tout un tas d'humains coûteux et désordonnés ici qui peuvent développer ces compétences. Je pense que l'exemple que j'ai déjà présenté est celui d'une femme que je connais, dont le fils de 15 ans, qui avait un emploi d'été qui l'attendait dans une petite entreprise, est allé voir le directeur du bureau pour lui dire : « Voilà, je suis prêt à commencer mon travail » et le directeur du bureau a répondu : « Je suis désolé, le responsable informatique pour lequel vous deviez travailler a démissionné ». Le gamin se tourne pour partir, et le directeur du bureau lui dit : « Une minute, il y a un logiciel de sécurité à installer sur tous ces ordinateurs. Tu pourrais le faire? » Le gamin rentre donc chez lui, étudie son appareil de distraction numérique et installe ce logiciel sur tous les ordinateurs pendant tout l'été. Il ne s'est pas dit : « Je vais passer un diplôme en informatique en quatre ans ». Juste à temps et juste dans le contexte. Autrement dit, le problème que je devais résoudre était juste devant moi. Tout l'apprentissage ne se fera pas de cette manière et j'espère qu'il y aura toujours un heureux hasard. Il y aura toujours une exposition à des choses qui nous intriguent parce que nous savons de plus en plus qu'une grande partie de la valeur que nous créons sera l'intersection entre un certain ensemble de compétences et un certain ensemble de connaissances. Alors que la durée de vie des connaissances continue à se réduire dans de nombreux secteurs, on ne peut pas garantir que les connaissances que vous avez rassemblées aujourd'hui seront utiles demain.

Et donc, tout ce qu'il faut retenir, c'est que nous devons apprendre tout au long de notre vie. L'éducation elle-même doit changer en tant que modèle commercial complet et entier. Nous devons tous avoir un état d'esprit complètement différent, un état d'esprit d'apprentissage, une souplesse en matière d'apprentissage, etc. C'est essentiel pour tout le monde. Il y aura toujours des emplois pour lesquels il ne sera pas nécessaire d'avoir tout ce qu'il faut. Comme dans les médias, nous avons encore la radio, croyez-le ou non, mais nous allons avoir de plus en plus de travail qui exigera cette compétence plus recherchée qui devra être acquise beaucoup plus rapidement.

Armine, parlez-nous un peu de l'apprentissage, des compétences et de l'éducation dans ce monde. Par exemple, ce que nous apprenons. Les compétences que nous développons. Le but de la formation.

Il y a tellement de façons d'aborder la question. J'ai trois points d'entrée différents, en quelque sorte. Je vais commencer par l'aspect personnel, parce que vous m'avez posé cette question personnellement. Devrions-nous dire à nos enfants d'aller à l'université ou pas? La différence entre... J'ai trois enfants. Le plus jeune a 28 ans. L'aîné a 33 ans. Leur expérience de l'enseignement postsecondaire a été très différente en cinq ans, autant que le jour et la nuit. Mon plus jeune fils, qui est de loin le plus intelligent de notre famille, n'a pas pu entrer dans l'école d'ingénieurs où il voulait étudier. Il est allé dans une autre école d'ingénieurs, et il a été consterné par le niveau d'éducation qu'il recevait, et finalement il a abandonné. Il a obtenu un emploi sans diplôme, apprend tous les jours sur le tas, est chef de projet en TI et fait des choses vraiment folles. Je pense qu'il est un peu le baromètre de la capacité à développer des compétences en cours d'emploi, juste à temps, juste dans le contexte. C'est clair. Cela signifie‑t‑il que mes deux enfants plus âgés ont perdu leur argent et leur temps à aller à l'école? Absolument pas.

Nous savons une chose, à savoir que si vous avez des diplômes, vous avez de meilleures chances de réussir que si vous n'en avez pas. Et ce sera probablement le cas plus tard, car beaucoup plus de gens comme mon fils abandonneront les diplômes parce qu'ils coûtent trop cher et sont trop longs à obtenir. Mais il y aura des gens qui auront le luxe d'avoir du temps et de l'argent pour le faire et ils deviendront une sorte d'élite. N'oubliez pas que les compétences sont un capital humain. Il y a donc beaucoup de tensions, des tensions sociales. Cela n'a rien à voir avec les compétences, c'est la façon dont nous valorisons, dont nous attribuons une valeur à ce que font les gens. Et le loisir sera une des questions. Le loisir et l'argent ne sont jamais une mauvaise chose, n'est-ce pas? Donc, les gens qui ont le loisir et l'argent pour obtenir un diplôme important, ce ne sera pas une mauvaise chose.

Deuxième chose : qu'est-ce qu'une compétence? Parlons-nous seulement des compétences employables? Est-ce une compétence de connaître des choses sur les philosophes de l'Antiquité? Est-ce une compétence de connaître des choses sur l'histoire de l'humanité? Est-ce une compétence que d'être calé sur la science de l'ingénierie? Il ne s'agit pas nécessairement de compétences commercialisables. Avons-nous besoin de personnes qui possèdent ces compétences? C'est clair. Mais les payons-nous? Non, nous ne le faisons pas, en général pour ces compétences. Voilà donc une autre discussion sur ce que nous entendons par « compétences ».

Et je vais y ajouter un troisième élément. La COVID a révélé beaucoup de choses, mais l'une des choses qu'elle a révélées est que l'économie essentielle ne peut pas fonctionner sans l'économie solidaire, et que l'économie solidaire est de plus en plus impayée. Nous avons donc des gens qui avaient l'habitude d'enseigner aux enfants à l'école et maintenant des enfants qui font l'école à la maison avec leurs parents. Nous avions l'habitude d'avoir des gens qui fournissaient des services de garde d'enfants. Maintenant, les garderies sont en train de fermer parce qu'elles sont considérées comme une entreprise, et non comme une forme d'infrastructure publique essentielle. Et les mamans ne vont plus travailler pour s'occuper à plein temps de leurs enfants, et ce, sans rémunération.

Donc, si le mélange entre les compétences qui sont rémunérées et celles qui ne le sont pas, la façon dont nous considérons ces compétences est extrêmement genrée et ces compétences tournent autour des soins. Et nous ne pouvons pas envoyer au travail des personnes en âge de travailler sans que quelqu'un s'occupe de celles qui sont trop âgées, trop jeunes et trop malades pour travailler. Aujourd'hui, nous payons très bien nos médecins, mais nous ne payons pas très bien nos prestataires de soins de longue durée. Ce n'est pas que les prestataires de soins de longue durée ne sont pas qualifiés. C'est juste que nous considérons que leurs compétences ne valent pas la peine de les payer beaucoup. Il n'y a donc pas de compétence naturelle, scientifique et incontestable qui vaille la peine d'être payée et que vous ne payez pas. C'est un exercice politique, qu'allons-nous valoriser? Qu'est-ce que nous n'allons pas valoriser? Qu'allons-nous payer? Qu'est-ce que nous n'allons pas payer? Comment cela va-t-il se répercuter sur les relations entre les sexes? Quelles compétences allons-nous valoriser?

Je vais ajouter une dernière réflexion : qu'est-ce que l'apprentissage juste à temps, juste dans le contexte, dans un marché du travail mondial pour les professions libérales : Je ne sais pas. C'est littéralement le chapitre que nous n'avons jamais abordé auparavant. Pour ce qui est du marché du travail mondial, pour répondre à votre première remarque sur le caractère physique des marchés du travail, la pensée cérébrale ne nécessite pas de présence physique. Comme nous le constatons, 38 % des personnes peuvent travailler de chez elles. Elles n'ont pas besoin d'être sur un lieu de travail. Elles peuvent travailler de n'importe où. De plus en plus, alors que c'est encore la minorité du travail qui doit être fait ainsi, nous sommes de plus en plus conscients que nous pouvons faire certains travaux de n'importe où. Pourquoi vous arrêter à Barrie, en Ontario ou à Delhi-Saskatchewan? Pourquoi ne pas aller à Delhi, en Inde, pour faire votre travail? Ce sera la prochaine étape et je ne sais pas comment cela va se passer.

Puis-je ajouter quelque chose à cela très rapidement? Armine, je suis tout à fait d'accord, il faut aussi un changement de mentalité non seulement du côté de l'offre, de notre côté, nous les humains coûteux et désordonnés, mais aussi du côté de la demande. Alors, qu'est-ce qui fait que, malheureusement, une si grande partie du système est encore biaisée autour des anciennes règles du travail? Il y a une description de poste qui comporte un ensemble de tâches avec une expérience et des diplômes requis. Et toutes ces choses sont tout à fait orthogonales à l'ensemble des compétences réelles qui sont nécessaires, n'est-ce pas?

Du côté de la demande maintenant. Si vous êtes la personne qui embauche, vous devez changer de mentalité. Ce que vous avez vraiment, c'est un ensemble de problèmes à résoudre. Voilà. Vous avez un ensemble de problèmes à résoudre. Il existe donc un éventail de compétences qui pourraient être appliquées, mais si vous ne comprenez pas le problème que vous essayez de résoudre, vous ne pouvez pas vraiment mieux préciser les compétences requises selon vous. Cela devrait en fait être un processus de collaboration. Bien sûr, il y a beaucoup de travaux qui sont en fait assez prescrits, mais il y a de plus en plus de travaux très créatifs qui demandent en fait de comprendre ce qu'est le problème.

Et donc, du côté de la demande, les recruteurs doivent changer tout leur cadre pour chercher des personnes qui peuvent résoudre les problèmes. Ils recherchent un ensemble de compétences pour résoudre des problèmes. Et puis une des choses que nous avons faites aux États-Unis, ce sont ces rôles non standard dont j'ai parlé, que nous avons remis en question. Avant, nous prenions des emplois qui n'exigeaient qu'un diplôme d'études secondaires et nous disons maintenant qu'il faut un diplôme de quatre ans parce que nous pouvons avoir le même type de personne à un prix beaucoup plus bas qui a aussi un diplôme d'études supérieures, parce qu'il y a plus d'offre que de demande. Et donc, nous devons en fait avoir un état d'esprit complètement différent du côté de l'embauche pour changer réellement ce calcul.
J'aimerais relayer le point de Gary. Je suis tout à fait d'accord et je pense que ce que nous voyons déjà, c'est que certaines entreprises pourraient ne pas se baser sur les diplômes, mais ce sont les entreprises qui embauchent sur la base du bouche-à-oreille et des réseaux, n'est-ce pas? Parce que vous n'allez pas faire sortir quelqu'un de nulle part. La diplômanie fonctionne à court terme, car je ne sais pas qui vous êtes, mais cela me montre que vous avez fait le travail nécessaire pour faire une sélection.

Il s'agit d'un mécanisme de réduction des risques.

À 100 %. Il s'agit d'un mécanisme de réduction des risques. Alors qu'on entre dans les trois prochaines décennies, où le vieillissement de la population... Au Canada, un quart de la population est constitué de personnes âgées et nous avons le plus faible nombre d'entrées sur le marché du travail jamais enregistré dans notre histoire, en raison de la baisse du taux de fécondité. Nous allons avoir des pénuries endémiques de main-d'œuvre. Les gens vont accepter tous ceux qui disent : « Je peux faire ce travail ». Et il y aura un court test pour prouver que ces gens peuvent faire le travail et ils le feront, mais ils le feront de n'importe quel endroit où il est possible de faire le travail.

Je voudrais revenir aux fondamentaux. La majeure partie du marché du travail est physique. La majeure partie du marché du travail n'est pas cérébrale. Au total, 38 % des personnes ont pu travailler de chez elles pendant la pandémie. C'est le cas presque uniformément sur l'ensemble du marché du travail. La majeure partie du marché du travail a besoin d'une personne à un endroit donné. Donc, lorsque nous nous inquiétons pour les professions libérales, ce n'est pas parce qu'elles sont les plus importantes ou parce que leurs salaires sont les plus élevés et que la perte de revenus de ce groupe a d'énormes effets macroéconomiques... une cascade d'effets macroéconomiques. Même si tout cela est vrai.

Ce qu'il est vraiment important de comprendre, c'est que nous ne payons pas les personnes qui ne peuvent pas se déplacer correctement. Nous ne valorisons pas les compétences des personnes que nous jugeons essentielles. Encore une fois, une chose révélée par la COVID. Ces personnes sont essentielles, mais elles sont remplaçables. Elles sont essentielles, mais nous n'allons pas les payer. Elles sont essentielles, mais bon, vous savez, n'importe qui pourrait faire ce travail. Bien sûr, ce n'est pas n'importe qui qui fait ce travail. Mais la raison pour laquelle n'importe qui pourrait faire ce travail est qu'il est très mal payé. Il y a donc une véritable tension entre le fait d'obtenir la main-d'œuvre la moins chère possible où que ce soit et le fait que nous avons besoin de certains travailleurs à certains endroits et à certains moments pour pouvoir continuer à vivre. C'est l'économie essentielle et elle est basée sur le lieu.

Armine, vous avez mentionné à plusieurs reprises l'imminence de pénuries de main-d'œuvre. Permettez-moi d'adopter un point de vue contraire. Je sais que nos populations sont en déclin. Nous en avons beaucoup parlé à l'école. Nous avons eu John Ibbitson qui vient d'écrire un livre intitulé... Empty Planet. Cela a été en quelque sorte le premier baromètre de ceci. En parlant de la façon dont les populations des pays développés ou des sociétés industrielles sont, non seulement en déclin, mais en chute libre. Nous avons des pays qui ne pourront pas se reproduire à l'avenir, notamment de nombreux pays européens. Ce n'est pas le cas du Canada. Le Canada est en fait l'un des rares pays qui enregistrent une croissance, mais il est certain que sa population, d'après ce que nous savons aujourd'hui, est en déclin. Mais permettez-moi d'adopter le point de vue opposé à ce que vous dites à propos des pénuries de main-d'œuvre imminentes, à savoir que la technologie s'améliore de plus en plus, tant au niveau de la technologie physique, comme le type de... comme la technologie qui a coûté à mon père son emploi en 81/82 lorsque la mondialisation a entraîné la fermeture de son usine. C'était donc un peu... mon père était un travailleur physique, mais il a perdu son emploi pendant la récession et il n'a jamais vraiment retrouvé de travail. Et c'était la mondialisation, mais maintenant il y a une deuxième vague qui arrive... ce qui m'inquiète... c'est de savoir si l'intelligence artificielle fera à mes enfants ce que la mondialisation a fait à mon père, c'est-à-dire une sorte de travailleur cérébral. Y aura-t-il de moins en moins de tâches, car nous avons déjà appris au cours de cette conversation qu'il faut en quelque sorte arrêter de parler d'emploi, mais commencer à parler de tâches. Y aura-t-il de moins en moins de tâches à accomplir à l'avenir qui nécessiteront des humains?

Non.

Veuillez donner des détails.

Non. Il y aura davantage de tâches qui devront être effectuées par quelqu'un. Nous ne savons pas si nous allons les payer ou non. Il y a une véritable division sexuelle dans la conversation dont vous parlez. En 1981 ou quelque chose comme ça, Hazel Henderson est une futuriste et une économiste féministe que Gary connaît sûrement. Elle a décrit l'économie non pas comme une tarte, mais comme un gâteau à étages. Et je vous encourage à jeter un coup d'œil au court métrage d'animation de l'Office national du film dont j'ai eu la chance de faire partie pour décrire la grande réinitialisation. Vous avez utilisé le terme Taki. C'est vraiment génial. La grande réinitialisation de l'économie est la façon dont nous imaginons l'économie. Et ce qu'elle montrait, franchement, quiconque y réfléchit à deux fois verra que, peu importe de quoi nous parlons quand nous parlons de PIB et de ce qui doit être fait, cela passe d'abord dans la base qu'est la planète. C'est la matière première dont nous tirons nos intrants qui nous permet de subsister. Ensuite, il y a la partie des soins, la population doit se reproduire. Vous indiquez qu'il y a un déclin de la population. C'est l'inconvénient lorsque nous disons que nous avons besoin de plus de compétences dans la société et qu'à mesure que les femmes s'instruisent, elles choisissent d'avoir moins d'enfants, si elles ont leur mot à dire en la matière. Ainsi, les taux de fécondité du monde entier sont en baisse, y compris dans les endroits où les taux de fécondité étaient élevés parce que les gens sont de plus en plus instruits. C'est une bonne chose. Il y a un effet d'entraînement entre le vieillissement de la population dans le Nord global et le manque d'emplois bien rémunérés dans le Sud, dont certains peuvent être offerts par le biais de plateformes. Mais certains d'entre eux nécessiteront davantage de migrations entre le Nord et le Sud. Et c'est l'une des raisons pour lesquelles nous nous développons, car nous recevons plus. Mais le caractère physique de toute chose est le trait dominant.

Il nous appartient donc de concevoir des systèmes qui valorisent le travail, qui accordent une place importante au travail décent. À tout le travail qui est fait. Et s'il n'y a pas de rémunération, il faut fournir un soutien du revenu pour qu'ils ne tombent dans le dénuement, pour qu'ils puissent faire ce travail important non rémunéré. Nous devons repenser toute notre architecture sociale de politique publique pour comprendre que les humains sont plus importants que le capital, ce que Gary a fait remarquer il y a environ une demi-heure.
Gary.

Tout d'abord, juste pour remplir le reste des blancs si vous n'avez pas vu la vidéo. Donc, Armine parle aussi de cela au sommet de la planète et de prendre soin des gens, puis de construire des infrastructures et de bâtir une économie sur cela, ce qui revient essentiellement à prendre des décisions pour la société d'abord et l'économie ensuite, n'est-ce pas? C'est l'exercice de réflexion que je demande tout le temps au public de faire. Malheureusement, nous continuons à penser que nous pouvons concevoir des économies sans les ancrer et sans tenir compte des besoins de la société. J'ai quelques points à ajouter. Tout d'abord, les robots et les logiciels ne prennent pas les emplois. Les humains les donnent. Simplement parce que toutes ces tâches ont été automatisées, il y a un humain qui décide si ces tâches s'ajoutent à un emploi. On licencie alors la personne qui l'occupe. On doit alors embaucher des personnes ayant un ensemble de compétences complètement différent. Mais cette mentalité de somme nulle, nous devons la laisser derrière nous, car elle fonctionne en partant du principe qu'il y a l'offre d'un côté et la demande de l'autre. Non seulement le rythme et la propagation du changement sont si rapides que ces personnes sont laissées pour compte et que nous devons nous en débarrasser. J'ai toutes ces compétences en demande que je ne peux pas embaucher.

Et si, au lieu de cela, nous formions ces gens à répondre continuellement aux besoins de demain, à résoudre les problèmes de demain? Ce serait une vraie solution. D'ailleurs, cela n'a pas besoin de diminuer à cause des robots et des logiciels. Autrement dit, on n'est pas obligé de faire disparaître tous ces emplois. Il y a tous ces nouveaux problèmes à résoudre. Ce que nous devons faire, c'est avoir une tout autre mentalité sur la façon dont nous abordons la caractérisation de la demande. D'ailleurs, nous pouvons prendre différentes décisions sur la façon dont nous créons une nouvelle demande. Vous savez, Travis Kalanick, quand il a créé Uber, il aurait pu donner des parts à tous les chauffeurs d'Uber et nous n'aurions pas ces discussions sur la façon de classer un employé faisant de petits boulots. Ce sont donc des décisions que nous pouvons prendre. Ce ne sont pas des lois de la nature. Ce sont les lois de nos économies et de nos sociétés et nous pouvons prendre des décisions différentes, il suffit de s'y engager collectivement.
Très bien. Vous avez donc tous deux fait référence à l'Office national du film et à d'autres liens. Nous allons donc rassembler tous ces documents de référence et les envoyer aux 1500 téléspectateurs qui regardent cette émission aujourd'hui, afin qu'ils puissent continuer à apprendre et à se perfectionner. Il ne nous reste plus que quelques minutes. Je vais donc demander à chacun d'entre vous, à Gary, parce que vous vous joignez à nous de Washington. Je vais citer un grand philosophe américain : Yogi Berra. Ila a dit que « Il est vraiment, vraiment difficile de faire des prévisions, surtout en ce qui concerne l'avenir ». En gardant cette mise en garde à l'esprit, je vais demander à chacun d'entre vous... Si nous avons cette conversation dans dix ans. Faites des prévisions. De quoi parlerons-nous dans dix ans? Parlera-t-on encore des pénuries de main-d'œuvre? S'agit-il de compétences? Est-ce que nous parlerons de... Dites-nous quel est l'avenir du travail, si dans dix ans, vous deviez regarder en arrière. Alors, peut-être, Armine, nous commencerons par vous et ensuite nous terminerons avec vous, Gary.

Non, ne commencez pas avec moi. Commencez par Gary.

Gary, commençons par vous.

Très bien. Donc, avec un titre de président des travaux sur l'avenir du travail, on pourrait penser que je me qualifie de futuriste, mais je définirais plutôt comme une possible-iste. Et je parle toujours de scénarios, ok? C'est pourquoi j'ai parlé du scénario de l'abondance, du scénario de l'apocalypse en matière d'emploi, et de la sorte de...

Oui. Vous êtes l'économiste à deux bras.

Oui. C'est exact. Je vais vous donner quelques lignes de tendance que vous pouvez tracer vous-même. Donc, tout d'abord, comme je l'ai dit, avec la grande réinitialisation, il est assez clair, globalement, que nous avons perdu certaines choses. Nous avons perdu dans le domaine de la pauvreté et nous avons perdu quelques, je ne sais pas, trillions de dollars de PIB. Ce que nous avons gagné, c'est une certaine accélération de la dissociation. Ce que je vais soutenir, c'est donc que nous allons commencer à voir des marchés – il y aura plus d'occasions et une série de marchés qui ont des économies informelles – plus d'économies informelles que par le passé et il sera possible d'instancier des économies plus formalisées. En d'autres termes, plus d'emplois, grâce à l'esprit d'entreprise et à des éléments heuristiques de conception des économies espérons-le différents, là où l'on souhaite qu'ils soient beaucoup plus inclusifs.

Nous allons également voir, je pense, des réponses beaucoup plus rapides à l'avenir à des choses comme la pandémie mondiale. Vous avez raison. Donc, aujourd'hui c'est le virus, demain ce pourrait être l'intelligence artificielle généralisée. Je pense qu'on va voir des réponses plus rapides parce que, pour donner un exemple, nous sommes en train de créer un vaccin dans la période la plus époustouflante de l'histoire de l'humanité. Je veux dire que c'est la plus rapide des innovations que nous ayons faites dans l'histoire de l'humanité. Cela me rend donc prudemment optimiste sur le fait que si nous nous mettons simplement d'accord sur les problèmes, nous avons en fait beaucoup plus de volonté et d'action collectives. Ce que je pense, c'est que dans dix ans, nous allons probablement regarder en arrière et nous dire que nous avons appuyé sur le bouton de réinitialisation. Nous avons modifié une grande partie du fonctionnement de nos marchés du travail. Nous avons certainement une économie de l'éducation très, très différente, surtout en ce qui concerne la plateforme de lancement des jeunes adultes et au-delà. Je ne pense pas que nous aurons changé K-12 autant qu'il le faut. Nous allons donc continuellement désavantager nos jeunes. Mais je pense que vous verrez que les marchés du travail seront beaucoup plus fluides. Cela sera-t-il bénéfique pour tous? Non. Non. Sans changer le paradigme de l'éducation, le paradigme de l'apprentissage, nous n'obtiendrons pas la main-d'œuvre dont nous avons besoin pour l'avenir. C'est donc l'un des domaines sur lesquels nous devons nous concentrer.

Armine.

Bien. Donc, si le délai est de dix ans, je dirais que les frictions géopolitiques et le chaos climatique signifient que les chaînes d'approvisionnement seront plus courtes et plus imprévisibles, ce qui entraînera une plus grande autonomie sur nos propres marchés. Mais les marchés ne sont pas la panacée. La question est la suivante : que feront les gouvernements face à une plus grande volatilité des revenus? Une plus grande imprévisibilité des revenus? Il y aura peut-être une perte plus importante des personnes ayant un salaire élevé? Et le jury est là pour savoir comment nous allons apprendre à faire la grande réinitialisation en relevant les défis collectifs parce que nous avons été très néo-libéraux et libertaires au cours des 40 dernières années. C'est en gros chacun pour soi.

C'est pourquoi je ne sais pas où les choses vont aller. Je pense que là où les marchés vont, plus de choses vont revenir ici et nous serons plus créatifs, mais nous ne serons plus créatifs que si nous investissons réellement dans chaque jeune, dans le potentiel d'apprentissage de chaque jeune, maintenant. Parce qu'on récolte ce qu'on sème. Donc, le changement arrive, par la révolution ou par la planification, mais le changement arrive. Ce que nous avons vécu au cours des 40 dernières années est en train d'être bouleversé. Et ce que nous déciderons, c'est d'une plus grande dépendance au capital par rapport au travail. La dépendance entre le travail rémunéré et non rémunéré. La dépendance aux personnes qui viennent dans notre pays à titre permanent ou temporaire. Tous ces chapitres ne sont pas encore écrits et c'est à nous de les écrire, y compris à tous les auditeurs qui seront les futurs sous‑ministres du Canada.

Je tiens donc à vous remercier tous les deux parce que je pense que ce que vous avez dit de différentes manières, avec beaucoup d'éloquence et de passion, c'est que l'avenir est un peu... Que c'est à nous de l'écrire. Que ces choses ne concernent pas seulement le progrès technologique, les logiciels, la fabrication ou les tendances démographiques, mais que la politique publique sera vraiment un facteur déterminant de l'avenir et que si nous mettons en place une bonne politique publique, nous pourrons nous appuyer sur les bonnes choses et nous prémunir contre les mauvaises. Notre heure est passée, à mon grand regret. Armine, Gary, merci beaucoup d'avoir échangé vos idées, votre temps et votre passion avec nous, et surtout, merci d'être des amis de la fonction publique canadienne. Je ne peux vous dire à quel point j'en suis reconnaissant. Bonne continuation. Soyez prudents.

Très bien. Portez-vous bien! Merci.

Merci de m'avoir invité. Ce fut un réel plaisir d'être avec vous, Gary.

Très bien. À bientôt et merci.

Prenez soin de vous.

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