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Série sur les enjeux contemporains du fédéralisme canadien : L'importance du fédéralisme (TRN5-V35)

Description

Cet enregistrement d'événement traite des débuts et de l'évolution du fédéralisme, des principes qui s'y rattachent et de la façon dont on y recourt pour affronter des enjeux précis qui se présentent à des pays comme le Canada.

(Consultez la transcription pour le contenu en français.)

Durée : 01:19:25
Publié : 16 mai 2023
Type : Vidéo

Événement : Série sur les enjeux contemporains du fédéralisme canadien : L'importance du fédéralisme


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Série sur les enjeux contemporains du fédéralisme canadien : L'importance du fédéralisme

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Transcription : Série sur les enjeux contemporains du fédéralisme canadien : L'importance du fédéralisme

[Le logo de l'EFPC s'affiche à l'écran.]

[L'écran passe à Charles Breton dans un panneau de conversation vidéo.]

Charles Breton : Bonjour et bienvenue à cet événement intitulé « Pourquoi le fédéralisme est important ». Notez qu'il n'y a pas de point d'interrogation, car ce n'est pas une question, mais bien un fait. Merci de vous être joint à nous. Je m'appelle Charles Breton. Je suis directeur général de l'Institut de recherche en politiques publiques, Centre d'excellence sur la fédération canadienne. Je serai votre modérateur pour la séance d'aujourd'hui.

Je serai votre modérateur pour le panel d'aujourd'hui. J'aimerais souhaiter la bienvenue à tous nos participants qui sont ici avec nous aujourd'hui, en ce vendredi, avant l'Action de grâce. Alors, merci à vous!

Permettez-moi de commencer par reconnaître que la terre à partir de laquelle je vous parle, [inaudible], est le territoire traditionnel non cédé des Kanien'kehaka. Je reconnais que nous travaillons tous dans des endroits différents et, par conséquent, vous travaillez sur un territoire autochtone traditionnel différent.

Alors, veuillez prendre un moment pour considérer les Premiers Peuples de la terre où vous vous trouvez. Thank you, merci!

Nous avons prévu un événement passionnant pour vous et avant de continuer, permettez-moi de mentionner quelques renseignements logistiques pour optimiser votre expérience de visionnage.

Pour optimiser votre expérience de visionnement, nous vous recommandons de vous déconnecter de votre VPN ou d'utiliser un appareil personnel pour regarder la session lorsque cela est possible. Veuillez noter que nous disposons de la traduction simultanée ainsi que la traduction en temps réel des communications pour cet événement. Ces services sont disponibles à travers la plateforme de webdiffusion. Veuillez vous référer au courriel de rappel envoyé par l'École pour accéder à ses options.

Veuillez vous rendre dans le coin supérieur droit de votre écran, cliquer sur le bouton de discussion et taper vos questions. Nous aurons une séance de questions-réponses vers la fin. Même si vous ne voyez pas votre question apparaître dans la conversation, ne vous inquiétez pas, elle parviendra au modérateur.

Cela fait, c'est avec un grand plaisir que je vous souhaite de nouveau la bienvenue à cet événement. Il s'agit du premier d'une série créée grâce à notre partenariat entre l'École et le Centre d'excellence sur la fédération canadienne de l'IRPP sur les enjeux contemporains du fédéralisme canadien. Je vais juste dire quelques mots sur nous, sur mon organisation, puis passer à notre discussion, la raison pour laquelle vous êtes tous ici aujourd'hui.

Pour ceux d'entre vous qui ne le savent pas, l'Institut de recherche en politiques publiques, l'IRPP, est un groupe de réflexion national indépendant. Cette année, nous fêtons nos 50 ans. L'IRPP a été créé en 1972 avec une dotation initiale du gouvernement fédéral et des dons des provinces et du secteur privé. Donc, dès le début, les discussions sur la Fédération canadienne, sur le fédéralisme, à l'époque, surtout sur l'unité nationale, étaient au cœur de la mission de l'IRPP.

Ainsi, tout au long de l'histoire de l'Institut, les questions liées au fédéralisme canadien sont demeurées au cœur de nos travaux.

Le Centre d'excellence sur la fédération canadienne, que je dirige, a été créé, lui, en 2019. C'était donc une progression logique au travail fait à l'IRPP depuis les années soixante-dix. Il s'agit en fait d'un centre permanent au sein de l'IRPP qui est dédié spécifiquement à l'étude du fédéralisme au Canada. Cela a été possible, entre autres, parce que Patrimoine canadien, le gouvernement du Canada, ont cru en notre mission et puis, ont contribué à une somme supplémentaire à notre fonds de dotation pour créer le Centre. Alors voilà, assez parlé de moi! Passons à nos invités!

Aujourd'hui, pour ce premier événement, nous posons les bases. On aborde les fondements du fédéralisme. Plus tard dans la série, nous aborderons le fond des relations intergouvernementales, qu'il s'agisse de la santé ou du rôle des municipalités, par exemple, mais aujourd'hui, ce n'est pas nécessairement le but.

Aujourd'hui, nous restons, à certains égards, à un niveau supérieur, encore une fois, en réfléchissant à ce qu'est le fédéralisme, à ce qu'il signifie et à la façon dont il évolue face aux défis.

Nous le faisons donc avec deux conférenciers exceptionnels, chacun avec une expertise unique en la matière. Nous commencerons par un exposé de Jenna Bednar, professeure de sciences politiques à l'Université du Michigan.

[Jenna Bednar et Benoit Pelletier apparaissent dans des fenêtres de conversation vidéo séparées.]

Les recherches de la professeure Bednar portent sur l'analyse des institutions et les fondements théoriques de la stabilité des États fédéraux. Elle est l'une des plus éminentes spécialistes du fédéralisme et nous sommes chanceux de l'avoir parmi nous.

Nous sommes aussi chanceux d'avoir avec nous Benoît Pelletier. Je suis certain que plusieurs d'entre vous le connaissent. Monsieur Pelletier est professeur de Droit à l'Université d'Ottawa et a aussi été ministre au sein du gouvernement québécois, entre autres aux Affaires intergouvernementales, et l'auteur de plusieurs livres qui touchent au fédéralisme et à la fédération canadienne. Il a donc à la fois une vue sur le fond de la question et sur la pratique du fédéralisme au pays.

Nous allons donc procéder de la manière suivante. Jenna commencera par une discussion sur son travail sur le fédéralisme et les caractéristiques des fédérations robustes.

Benoît ira ensuite d'observations sur le cas canadien, développant un peu plus sur notre expérience à nous avec les principes du fédéralisme. On va passer ensuite à une discussion que je vais modérer sur les enjeux soulevés pendant les présentations et ensuite aux questions que vous aurez pour nos panélistes.

Encore une fois, j'ai le plaisir de vous présenter nos conférenciers, et surtout maintenant, parce que c'est à son tour de parler, la professeure Bednar, Jenna, c'est à vous.

Jenna Bednar : Merci beaucoup pour cette invitation, cette introduction, mais aussi cette invitation. Avant de commencer, je tiens à vous remercier tous, Canadiennes et Canadiens, car c'est littéralement à cause de mes expériences de travail comme stagiaire de premier cycle au Canada que j'ai commencé à m'intéresser au fédéralisme. C'était à une époque où le fédéralisme était franchement ennuyeux aux États-Unis.

Et en fait, le premier jour où j'ai commencé mes études supérieures ici, j'ai passé du temps au Canada, j'ai compris que le fédéralisme est un sujet très vivant et des plus fascinants. Donc, je suis allée à l'école doctorale de Stanford et le premier jour, je me souviens avoir dit, oh, je vais travailler sur le fédéralisme, et mon professeur a dit : « attendez, le fédéralisme n'est-il pas mort? »

Je suis donc honorée et enchantée d'être avec vous, et je suis tellement heureuse que vous passiez tous cette année et cette série ensemble, en participant vraiment à cette question importante.

Je vais peut-être donc commencer d'une manière inhabituelle en disant ce que vous pourriez avoir en tête, même si vous ne vous sentez peut-être pas à l'aise de le dire à haute voix. Alors, je vais simplement vous le dire.

Le fédéralisme est un sujet pénible. C'est totalement ennuyeux, non? Les provinces sont des fauteurs de troubles. Elles provoquent des maux de tête et une grande partie de votre travail consiste à corriger leurs erreurs.

Je suis politologue et cette vision des entités infranationales comme des fauteurs de troubles est l'opinion écrasante qu'on mes collègues. Donc, pour ceux qui quelque part se disent au fond, je pense que je me sens un peu comme ça, vous êtes en très bonne compagnie avec énormément d'érudits, dont moi dans une certaine mesure.

Donc, la science politique et l'érudition juridique portent en grande partie sur la façon de surmonter les problèmes créés par le fédéralisme, mais ce que je veux faire aujourd'hui, c'est vous donner un point de vue légèrement différent et c'est que je veux, c'est vous faire passer de ce sentiment d'agacement à, d'abord, une appréciation de la concurrence que vous ressentez probablement déjà, la concurrence entre les gouvernements infranationaux et le gouvernement fédéral.

Mais ensuite, je veux peut-être vous faire découvrir un nouveau cadre, celui de la collaboration. Donc, on va passer de l'agacement à la concurrence, puis à la collaboration.

Et d'abord, réfléchissons à la raison pour laquelle nous voudrions faire ce geste. Si notre point de vue sur le fédéralisme est qu'il est un fardeau – ou, comme certains de mes collègues juristes l'ont appelé aux États-Unis, ce sont les névroses nationales des États-Unis dont nous ne pouvons tout simplement pas nous débarrasser. Si tel est le diagnostic, alors le remède le plus clair à cela est de minimiser l'autonomie des unités infranationales.

Et si, même aux États-Unis où il n'y a pas autant d'identification, selon moi, d'identification ouverte avec le fédéralisme comme faisant partie de notre composition politique, si là-bas, c'est la cause d'une sorte de révolution, alors imaginez au Canada ce qu'il pourrait faire!

Par conséquent, au lieu de cela, vous pourriez dire, que cela vous plaise ou non, je dois accepter formellement l'autonomie de ces gouvernements infranationaux telle qu'exprimée aux fins d'une organisation à travers les provinces. Je pense aussi qu'il est assez intéressant de réfléchir au rôle que les gouvernements régionaux et les gouvernements municipaux jouer dans ce système fédéral.

Dès que nous acceptons cela, nous devons accepter le fait que ces différentes unités vont avoir des intérêts différents par rapport à l'ensemble, puis nous ouvrons la probabilité, la certitude, que ces intérêts vont s'affronter et qu'ils vont se disputer la suprématie.

Et ainsi, la plupart des constitutions fédérales ont des dispositions pour la suprématie juridique de la loi fédérale. Les autorités fédérales peuvent souvent tout simplement dominer le droit infranational en invoquant leur domination constitutionnelle, que ce soit en invoquant des clauses constitutionnelles pratiques ou par d'autres éléments comme la préemption.

Et lorsque cela n'est pas possible, les gouvernements fédéraux, de plus en plus, nous le voyons souvent aux États-Unis, peuvent utiliser leurs pouvoirs du portefeuille. C'est-à-dire qu'ils peuvent généralement acheter leur politique préférée en utilisant l'argent frais comme une « carotte », avec des conditions qui y sont rattachées, des conditions politiques, pour garantir l'adhésion des gouvernements infranationaux, ou parfois en retenant l'argent qui avait normalement été prévu jusqu'à ce que les nouvelles conditions soient remplies.

Et c'est en fait un domaine récent de changements judiciaires et juridiques aux États-Unis où des limites se posent. Je ne sais pas, dans le contexte canadien, où vous en êtes. Ainsi, utiliser l'argent pour acheter la politique est une autre façon pour le gouvernement fédéral d'imposer sa volonté aux gouvernements infranationaux.

Et donc, quand le gouvernement fédéral s'affirme, écrasant les infranationaux et remportant cette victoire par la force, qu'est-ce qui est perdu? Quel est l'inconvénient? Évidemment, nous savons que tout le monde comprend que la première raison justifiant la mise en avant d'un système fédéral est l'adaptation de la politique aux conditions locales, aux préférences locales. C'est la raison la plus ancienne et la plus citée du fédéralisme.

Et donc, si le gouvernement fédéral supprime l'expression de ces intérêts, c'est considéré comme une perte, mais il y a aussi une perte d'apprentissage.

Ainsi, certaines politiques et pratiques élaborées à l'échelon infranational se révèlent être de très bonnes idées, et comme nous sommes dans ce monde où les politiques sont de plus en plus complexes, où il est difficile de voir la bonne chose à faire, et ici, bien sûr, je veux dire qu'il y a de nombreux exemples, mais si nous passons directement aux changements climatiques et à la façon dont nous [...]. C'est la menace littéralement existentielle à laquelle nous sommes confrontés et il n'y a pas de voie unique, pas de prescription politique unique.

Et la façon dont les changements climatiques nous affectent varie beaucoup d'une localité à l'autre. Nous voulons donc vraiment pouvoir faire participer les décideurs locaux alors que nous luttons ensemble contre cette crise commune.

C'est donc une occasion en quelque sorte de pratiquer un peu d'autocontrainte et de reconnaître la signification et l'importance de l'expression de ces divers intérêts aux échelons infranationaux.

C'est une occasion d'apprendre, et d'apprendre que ces innovations politiques peuvent se diffuser horizontalement ou verticalement vers le haut. Certaines des réalisations politiques les plus intéressantes à l'échelon national aux États-Unis ont d'abord été éprouvées au niveau des États.

Donc, de cette façon, le fédéralisme est comme un mécanisme de résolution de problèmes. C'est une façon d'apprendre à toute une société à réfléchir à ce que nous pourrions faire pour élaborer de bonnes politiques.

Par conséquent, compte tenu de ce point de vue, nous voulons réfléchir à la question de savoir comment nous pouvons faire en sorte que cela fonctionne bien. Accrochez-vous à cette pensée parce que je veux compliquer davantage les choses. On passe donc de la concurrence à la collaboration.

Alors, la collaboration, qu'est-ce que la collaboration? Pensez-y comme un alignement de valeurs et un alignement d'action, est-ce même envisageable dans un système fédéral où j'ai déjà évoqué cette notion par définition, allons-nous voir apparaître l'émergence d'intérêts divers et souvent concurrents?

Mais je viens aussi de plaider en faveur d'un grand objectif commun qui est une bonne élaboration des politiques, c'est-à-dire qu'il est certain qu'à l'échelon fédéral, il y a des intérêts fédéraux qui sont distincts des intérêts provinciaux ou municipaux.

Et donc, les fins que vous pourriez vouloir atteindre et les moyens, les moyens politiques, pour y parvenir peuvent différer, mais il y a, à l'échelon fédéral, un recul, une chose que vous avez tous en commun, c'est-à-dire vous en tant que fonctionnaires, vous voulez créer une bonne politique, c'est-à-dire que vous voulez élaborer une politique appropriée, une politique efficace qui fonctionne pour les personnes que vous servez.

Et donc, s'accrocher à cette pensée signifie accepter certains des biens que le fédéralisme peut offrir, adapter les politiques et l'apprentissage, et parfois ces objectifs s'alignent et vous pouvez littéralement travailler avec les différentes capacités dont disposent les gouvernements locaux, provinciaux et fédéral pour atteindre ces objectifs communs.

Ainsi, l'élaboration de bonnes politiques est un effort de collaboration et il y a un autre effort de collaboration qui [inaudible] les États-Unis sont vraiment devenus une préoccupation majeure pour nous, à savoir les démocraties en crise.

Et avec la démocratie de crise, on réfléchit à ce qui fait tenir la démocratie et à ce qui empêche l'émergence d'un État autoritaire. La fragmentation du pouvoir, certes à l'échelon national, est assez efficace, mais le dernier rempart aux États-Unis ou dans notre système fédéral contre l'autoritarisme, c'est le fédéralisme.

Et si vous avez prêté attention aux élections de 2020 qui étaient si préoccupantes, il y avait beaucoup de héros, mais je dirais que les vrais héros de cette élection étaient dans un certain nombre d'États, les secrétaires d'État, c'est-à-dire le bureau qui est en charge d'administrer les élections dans chacun des États. Les secrétaires d'État ont été nos héros, se levant et organisant d'abord une élection très propre et transparente, puis disant que le peuple avait parlé, et le disant assez fermement, tant les démocrates que les républicains.

Ainsi, si les infranationaux sont rejetés et diminués, car considérés comme étant des nuisances, nous perdons ces occasions de collaboration. Donc, ces avantages ou ces occasions que crée le fédéralisme reposent, un peu paradoxalement, sur l'inconvénient du fédéralisme qui est sa diversité, c'est-à-dire que la diversité est à la fois le plus grand défi et sa plus grande force, car pour que le système fonctionne bien, vous devez avoir ces diverses entrées.

L'apprentissage ne peut pas se faire sans essayer différentes choses, l'apport de différents points de vue. La collaboration est rendue plus efficace lorsque chaque membre de l'équipe, ici, le gouvernement fédéral et les gouvernements infranationaux, apporte ses propres forces à l'effort, et la démocratie ne peut pas être préservée s'il n'y a pas de recul interne, pas de diversité d'arguments. La diversité représente donc un avantage lié à un système fédéral qu'il faut préserver.

Cela m'amène au dernier grand point que je veux présenter, à savoir ce qui maintient tout cela ensemble, certaines garanties. Pendant que nous adoptons la concurrence, nous devons avoir un moyen de garder l'action, les politiques et les activités de chacune de ces composantes du système sous contrôle, n'est-ce pas?

Et surtout, ce qui compte comme [...]

[Jenna Bednar insiste sur les guillemets]

[...] les limites changeront avec le temps. Le sens de la Constitution, la façon dont elle limite le pouvoir du gouvernement sur tous et ses devoirs envers le peuple, ainsi que la relation entre les unités gouvernementales, le gouvernement fédéral et les gouvernements infranationaux, devront changer au fil du temps en réponse à nos demandes changeantes.

J'ai mentionné les changements climatiques plus tôt, n'est-ce pas? Mais y compris nos propres préférences, ce que nous, en tant que peuple, attendons de notre gouvernement, et à mesure que nos préférences changent, il en va de même, dans le contexte du fédéralisme, de l'attribution du pouvoir.

Il n'y a donc pas de constitution optimale, certainement pas de constitution unique pour tous les systèmes fédéraux, mais pas de constitution qui fonctionnera pour un pays en particulier au fil du temps. Une évolution doit pouvoir être possible.

Donc, cela signifie que nous recherchons un système de garanties qui soit flexible, qui permette ce changement tout en empêchant l'opportunisme, c'est-à-dire cette exploitation de cette flexibilité, ce pouvoir discrétionnaire à des fins personnelles. Donc, cela signifie que nous avons besoin d'un système qui n'est pas fixe ou stable, mais plutôt robuste, qui est adaptatif, mais toujours capable d'être suffisamment fort pour maintenir les actions dans le domaine de ce que nous considérons comme constitutionnel.

Ainsi, ce système robuste non seulement tolérera, mais acceptera aussi certaines déviations. C'est difficile. C'est difficile à accepter, je sais, parce que cela va signifier, dans le système, qu'il va y avoir des choses, des actions prises par d'autres gouvernements, que vous n'aimez pas, et y compris des interprétations divergentes de ce qui est constitutionnel, c'est-à-dire que la Constitution elle-même respire, évolue, change, et que le changement vient de l'essai de différentes significations de celle-ci.

Mais en même temps, si vous pouvez imaginer la métaphore d'un jeu de ping-pong, d'une partie de ping-pong, et que vous voulez garder la balle de ping-pong sur la table, cela ne veut pas dire qu'elle rebondit toujours au même endroit. Il y a beaucoup de place pour la tolérance de la diversité, mais vous voulez l'empêcher de tomber sur la table.

Voilà donc que peut faire un système de garanties.

Et je dois dire que lorsque nous pensons aux garanties, nous les considérons traditionnellement comme la gestion de cette concurrence, et donc pour gérer cette concurrence, il n'y a pas de garantie unique qui fonctionne pour une loi.

Durant une majeure partie du XXe siècle, la doctrine juridique, bien sûr, avait tendance à dire que ce sont les tribunaux qui sont les arbitres, car ce sont eux que nous considérons traditionnellement comme étant les interprètes de la Constitution et donc de ce qui est inconstitutionnel.

Mais alors que nous essayons de garder cette balle de ping-pong sur la table, nous pouvons penser à d'autres types de garanties, c'est-à-dire celles qui empêchent d'abord les gouvernements de prendre des mesures qui sont hors limites.

Donc, en fragmentant l'autorité à l'échelon national, ce que font la plupart des systèmes fédéraux, c'est en quelque sorte de commencer par mettre en place des contrôles sur l'exercice manifeste de l'autorité qui, compte tenu des avantages que le gouvernement fédéral a sur les gouvernements infranationaux, est juste une sorte de contrôle interne.

Deuxièmement, cela offre des possibilités de contribution infranationale en fonction de la manière dont les institutions sont construites. Le système des partis est un moyen de créer un dialogue et des vérifications entre les niveaux de gouvernement.

Et au bout du compte, les gens eux-mêmes interprètent la Constitution, et en fait, c'est vous tous. Les Canadiens sont beaucoup plus susceptibles, je pense, que les Américains d'être en mesure d'exprimer des opinions mûrement réfléchies sur la constitutionnalité, à moins que vous ne parliez peut-être du deuxième amendement, les Américains ne sont pas vraiment très bons, le deuxième amendement étant celui sur la réglementation des armes à feu et la possession d'armes à feu. À part cela, je n'ai vraiment pas eu trop de conversations sur le plan constitutionnel avec le grand public.

Mais vous êtes en position, c'est-à-dire que nous, le public, le public votant, sommes en mesure de réglementer les actions de notre gouvernement et d'essayer de garder cette balle de ping-pong sur la table. Ces garanties dont nous parlons, aucune n'est suffisante, mais elles se renforcent et se complètent.

Maintenant, et je vais terminer là-dessus, il s'agit vraiment de réglementer la concurrence. Lorsque nous parlons de collaboration et de profiter de ces occasions pour que ces différents niveaux de gouvernement travaillent ensemble, c'est un autre type d'idée, et la garantie n'est peut-être même pas le bon terme à employer, mais c'est une extension de l'argument des garanties, de réfléchir aux moyens de canaliser cette concurrence vers une action alignée.

Et donc, c'est un domaine où, je dois l'avouer, les États-Unis ne sont pas très bons, pas bons du tout même. Nous n'avons pas vraiment d'institution officielle conçue pour favoriser le dialogue entre les États et le gouvernement fédéral. Tout est réactif.

Il y a des groupes d'intérêt non gouvernementaux comme la National Governors Association ou la National Conference of State Legislatures qui sont essentiellement des organisations de lobbying, mais rien n'est construit par le gouvernement. Nous avions autrefois un organe qui s'appelait le Comité consultatif sur les relations intergouvernementales, mais qui n'a pas été financé par le Congrès. Rappelez-vous, j'ai dit dans les années 1990, que le fédéralisme était considéré comme mort aux États-Unis, et c'est à ce moment-là que le Congrès a décidé que ce n'était qu'un gaspillage d'argent, car qui avait vraiment besoin de réfléchir à ce que faisaient les États?

C'est drôle qu'on en parle cette semaine, une nouvelle institution reconnaissant la concurrence des États dans l'élaboration de la politique étrangère américaine. Donc, il y a quelques semaines, j'ai publié un article avec Tino Cuéllar qui est le président du Carnegie Endowment, et l'un de nos arguments, qui s'appelait la superpuissance fracturée, était qu'il faut prendre au sérieux la mesure dans laquelle les États et les villes sont engagés dans leurs propres relations internationales.

Et pas plus tard que lundi, le Département d'État a annoncé qu'il avait créé un nouveau bureau, le tout premier, le Représentant spécial pour la diplomatie infranationale, et qu'il a nommé, à sa tête, quelqu'un qui avait été en charge des affaires internationales pour la Ville de Los Angeles.

C'est donc – à certains égards, je pense, le premier pas dont j'ai été témoin aux États-Unis en ce qui concerne les institutions collaboratives. Les Canadiens sont loin devant nous à cet égard et je suis jalouse des institutions dont vous disposez pour créer des occasions formelles de dialogue collaboratif.

Donc, pour récapituler, j'ai essayé de suggérer, aussi ennuyeux que le fédéralisme puisse parfois paraître, premièrement, c'est une réalité, cela fait partie de notre identité politique, et donc gérer la concurrence qui en résulte est possible, mais nous pouvons même être en mesure d'atteindre un stade où nous trouverons des occasions de transformer la concurrence en collaboration dans la création d'une politique efficace et appropriée.

Donc merci.

Charles Breton : Merci Jenna.

J'ai noté lorsque vous avez dit que le fédéralisme est un mécanisme de résolution de problèmes. En effet, je pense que c'est l'une des raisons pour lesquelles nous nous sommes retrouvés avec le fédéralisme dans ce pays. Cependant, je pense que nous avons tendance à perdre de vue de nos jours cet aspect de mécanisme de résolution de problèmes, et nous y reviendrons lorsque nous passerons aux questions.

Alors nous allons maintenant nous tourner vers Monsieur Pelletier, Benoît Pelletier pour remettre tout ça dans le contexte canadien, mais aussi Jenna avait quand même des choses à dire sur le Canada. Avec votre connaissance du pays, Monsieur Pelletier, je vous passe la parole. Ce sera à vous maintenant!

Benoît Pelletier : Merci Charles. Merci Jenna pour votre présentation!

Merci de m'avoir invité à cette conférence et merci d'être ici virtuellement, bien sûr, mais vous êtes là et c'est le plus important.

Merci aux organisateurs pour cette expérience de débat sur le fédéralisme et sur les fondements du fédéralisme.

Je vais parler en anglais et en français. On m'a dit qu'il y avait de la traduction simultanée, alors par conséquent, je vais vous demander d'y avoir recours si vous le jugez nécessaire.

Je parlerai dans les deux langues, pas dans la même phrase, bien sûr, mais je parlerai dans les deux langues. C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions dans la langue officielle de votre choix. Je voudrais cependant vous prier de pardonner mon accent. J'ai l'accent typique de quelqu'un qui vient de Québec, mais c'est avec plaisir que je répondrai à vos questions dans la langue – la langue officielle de votre choix.

Ceci étant dit, je vais vous donner mon point de vue sur le fédéralisme canadien et à travers mon point de vue, il y aura le point de vue québécois parce que j'ai fait partie de la politique québécoise pendant dix ans. J'ai été ministre au gouvernement du Québec pendant six ans. Je reviendrai sur cette expérience dans quelques minutes, mais je vous donnerai ma propre réflexion sur les fondements du fédéralisme.

Premièrement, pour comprendre ce qu'est le fédéralisme, il faut partir du concept d'État, et ici, j'utilise ce concept comme signifiant un pays. Bien sûr, je ne parle pas des différents États qui composent les États-Unis. Je parle du pays ici quand j'utilise le mot État.

En droit constitutionnel, on considère qu'un État a et est une pleine souveraineté qui s'exprime à l'intérieur et à l'extérieur. Voici ce que j'entends par là :

Le concept d'État en droit constitutionnel, c'est un concept que nous décrivons comme étant une souveraineté totale qui s'exprime sur le plan interne, c'est-à-dire à l'intérieur d'un état et sur le plan externe, c'est-à-dire sur la scène internationale.

Bien sûr, cette souveraineté est exercée par des institutions, et nous croyons, chez nous, dans un pays comme le Canada, et c'est la même chose aux États-Unis, que la souveraineté appartient au peuple et que le peuple détermine la souveraineté de l'État.

Mais dans un premier temps, on considère que l'État, c'est un concept qui parle de souveraineté et pas seulement de souveraineté ou de pleine souveraineté.

Le fédéralisme est un partage de la souveraineté de l'État entre deux ou plusieurs échelons de gouvernement, entre au moins deux échelons de gouvernement ou deux ordres de gouvernement. Donc, le fédéralisme, c'est, je le répète, le partage de la souveraineté de l'État entre différentes entités politiques. Il y a les autorités fédérales et il y a ce que Jenna appelait les gouvernements infranationaux, ce qu'on pourrait aussi appeler les États fédérés.

Je n'utilise pas le mot État fédéral. L'État fédéral, c'est autre chose. C'est tout le pays. Je parle des États fédérés ou de ce qu'on appelle au Canada, les provinces. Donc, il y a ce partage de souveraineté dans le sens où on pourrait dire qu'à l'intérieur du Canada, les provinces canadiennes sont souveraines, mais elles sont souveraines dans leur champ de compétence. Leur souveraineté est limitée.

Elle est limitée par la Constitution, la Constitution qui, en fait, répartit les pouvoirs législatifs entre l'ordre de gouvernement fédéral et les provinces, mais les provinces sont souveraines au Canada. Encore une fois, elles ont une souveraineté partielle ou une souveraineté limitée, et l'ordre de gouvernement fédéral est également souverain, mais c'est une souveraineté partielle. Encore une fois, il est question de souveraineté et la compétence est au cœur de celle-ci.

Et la pleine souveraineté du pays se fait par l'addition de la souveraineté des provinces et de la souveraineté de l'ordre fédéral des gouvernements.

Ce que je veux dire, c'est que la souveraineté complète de l'État comme un État fédéral comme l'est le Canada, la souveraineté complète de l'État réside dans l'addition des compétences provinciales et des compétences fédérales.

Donc, parce que le principe fédéral, en fait, implique la souveraineté des provinces, tout ce qui va à l'encontre de cette souveraineté, comme le pouvoir fédéral de dépenser, par exemple, lorsqu'il est utilisé dans les champs de compétence des provinces, est quelque chose qui pourrait être perçu comme suspect au regard du principe fédéral.

Jenna a déjà parlé des pouvoirs du portefeuille. C'est le pouvoir de dépenser, je pense. C'est le pouvoir d'utiliser l'argent pour interférer. Ici, je parle du pouvoir fédéral de dépenser, du pouvoir d'utiliser l'argent pour s'immiscer dans les champs de compétence des provinces, et c'est quelque chose qui doit être vu comme suspect par rapport au principe fédéral.

Quand on parle de suprématie fédérale ou de prépondérance fédérale ou de supériorité fédérale dans un État, ça existe, mais ce n'est pas quelque chose qui est tout à fait compatible avec le fédéralisme ou le principe fédéral, tel qu'on le voit théoriquement, tel qu'on le décrit théoriquement, comme il a été décrit il y a quelques minutes.

Donc, à cet égard, vous devez comprendre certaines des positions du gouvernement du Québec au Canada, et c'est la même chose pour les autres provinces au Canada. Je dis que certaines des positions du gouvernement du Québec visent à faire en sorte que le principe fédéral soit davantage respecté au Canada.

Et je disais, et je pourrais le répéter aujourd'hui, que les Québécois sont parmi les meilleurs fédéralistes du Canada. Cela peut vous surprendre, mais en fait, les Québécois défendent le principe fédéral. Ils défendent l'autonomie du Québec. Ils défendent même la souveraineté du Québec, mais là encore, c'est la limite de la souveraineté à l'intérieur du Canada, comme je l'ai déjà dit.

Mais le Québec protège, défend et promeut le respect du principe fédéral dans de très nombreuses positions qu'il adopte à l'échelon canadien.

Mais il faut aussi comprendre que le Québec n'est pas qu'une province. Le Québec est aussi défini par la Chambre des communes et se définit comme une nation. Il y a donc une nation à l'intérieur de la nation, et c'est la même chose que l'Alberta essaie de faire ces jours-ci avec, je dirais, l'expression d'un nouveau nationalisme. L'Alberta essaie de se définir comme étant une nation au sein de la nation.

Et là, je vous entends vous poser la question de savoir si la nation existe au sein d'une autre nation. Oui. Qu'en est-il des Premières Nations? Qu'en est-il des Autochtones, des peuples autochtones, comme nous les appelons maintenant? Qu'en est-il des peuples autochtones? Ils ont formé des nations au sein du Canada. Ils ont formé des nations au sein de leur nation.

Le Canada est une nation, c'est sûr, mais les Autochtones sont aussi décrits dans la Constitution canadienne comme un peuple, et les Québécois ont été reconnus, comme une nation par la Chambre des communes du Canada.

Alors, le Canada, en réalité, on doit l'envisager de plus en plus comme un état multinational, c'est-à-dire comme un état composé de plusieurs nations. Et je peux vous dire que beaucoup de Canadiens voient le Canada non pas comme un état, non pas seulement comme un état mono-national, mais voient le Canada comme un état unitaire.

L'un des problèmes au Canada est que de nombreux Canadiens voient le Canada comme un [inaudible] unique. Ce que je veux dire ici, c'est qu'ils voient le Canada comme étant composé presque exclusivement du gouvernement fédéral et du Parlement du Canada, et ils sont en faveur d'une plus grande centralisation des pouvoirs au pays. Ils sont en faveur de la prépondérance des compétences fédérales sur les provinces. Certains Canadiens ignorent même l'existence des provinces.

Quand j'enseigne le droit constitutionnel et que je parle du Canada, la plupart de mes étudiants, au début, ne pensent qu'à Justin Trudeau et à son gouvernement. Ils oublient complètement les provinces. Ils oublient que les provinces font partie de l'expérience canadienne et pas seulement cela, elles font partie de la définition du Canada en tant qu'État fédéral.

Donc, l'un des problèmes auxquels nous sommes confrontés en tant que pays, c'est que beaucoup de Canadiens ont tendance à voir le Canada comme un État unitaire alors qu'en fait, le Canada est un État fédéral, et ce qui est ironique, c'est que beaucoup de Québécois défendent le principe fédéral au sein du Canada et ils sont perçus comme étant trop autonomes par les autres Canadiens.

Alors, on fait face à des dynamiques différentes au Canada qui n'existent pas forcément aux États-Unis, bien sûr, et je terminerai mes propos, Charles, si ça ne vous dérange pas que je dise cela, en disant que Jenna avait tout à fait raison lorsqu'elle a souligné la diversité comme étant l'une des forces d'un État fédéral. La diversité est à la base d'un État fédéral.

Si un État fédéral est un État fédéral et non un État unitaire, c'est qu'il veut d'abord promouvoir sa diversité intrinsèque. Cette diversité ne doit donc pas être ignorée. Il faut la respecter, il faut la promouvoir, et dans le cas du fédéralisme canadien, si vous vous demandez quelle a été la principale raison de la création d'une fédération au Canada en 1867, eh bien, je vous dirai qu'une des principales raisons était le Québec.

Pouvez-vous imaginer cela? Le Québec a été l'une des principales raisons pour lesquelles les pères de la Fédération canadienne ont choisi le fédéralisme en 1867 au lieu du modèle unitaire.

Et je terminerai en citant la Cour suprême du Canada dans une décision qu'elle a rendue en 1998, et la décision est la suivante. Je cite : « Le fédéralisme était la réponse juridique aux réalités politiques et culturelles qui existaient à l'époque de la Confédération et qui existent toujours aujourd'hui. La réalité sociale et démographique du Québec explique l'existence de la province de Québec en tant qu'unité politique et fut d'ailleurs l'une des raisons essentielles de l'établissement d'une structure fédérale pour la nation canadienne en 1867. »

Alors, cela veut dire que la spécificité québécoise n'est pas incompatible avec le fédéralisme. C'est quelque chose qui explique pleinement le fédéralisme canadien et qui explique pourquoi, en 1867, on a choisi le modèle fédéral au lieu du modèle unitaire.

Merci.

Charles Breton : Merci, Benoît.

Donc, vous avez fini par parler, encore une fois, et ce sont aussi des termes que Jenna a utilisés, du fait d'embrasser la diversité, d'embrasser l'autonomie. Je veux parler un peu du revers de la médaille.

Et Jenna, vous avez un peu parlé des garanties et des systèmes de garanties. Encore une fois, en gardant à l'esprit le fait que pour moi, je les interprétais comme des garanties pour nous assurer que nous embrassons l'autonomie, que nous embrassons la diversité.

Mais encore une fois, le revers de la médaille consiste à savoir comment nous pouvons faire en sorte de conserver une fédération, comment la garder robuste et stable en embrassant cette diversité et en embrassant cette autonomie en sachant que cela a le potentiel de tout faire exploser. Donc, le revers de la médaille est de savoir comment une fédération peut être robuste et stable tout en adoptant ce concept.

Vous parlez encore de garanties, mais de garanties contre ça, et peut-être, d'une certaine façon, selon vous, qu'est-ce qui explique la pérennité du fédéralisme canadien justement par rapport à ça?

Jenna Bednar : Très bien. Eh bien, vous me demandez vraiment de prendre des risques en tant qu'Américaine pour expliquer pourquoi le fédéralisme canadien [...]

Charles Breton : À votre avis.

Jenna Bednar : Mais permettez-moi de commencer par parler sémantiquement de ce qu'est et de ce que n'est pas la robustesse. Ainsi, la robustesse n'est pas quelque chose dont le succès n'est pas garanti.

Et en fait, pour ceux d'entre nous qui prennent part aux activités de la science de la robustesse, nous sommes toujours conscients de ce genre de relation entre robustesse et stabilité, que tous les systèmes robustes sont aussi fragiles, et la question est de savoir comment gérer cette fragilité.

Et donc, dans n'importe quel contexte fédéral, ce que cela veut dire, c'est que vous ne pouvez jamais rien tenir pour acquis, que tout gouvernement doit travailler, et nous n'avons pas beaucoup approfondi cela, mais en fin de compte, toutes ces institutions que j'ai décrites et la loi dont Benoît et moi avons parlé ne sont aussi fortes que le public qui le soutient, et c'est parce qu'elles reposent sur la légitimité et qu'elles s'appuient sur l'intériorisation et l'expression des normes, des normes de la démocratie et des normes de valorisation du fédéralisme, y compris la valorisation de la diversité.

Et je dirai ici que du côté américain, nous avons un vrai handicap en ce qui concerne notre identité culturelle parce que notre identité culturelle a été en grande partie une culture de « non-conformiste », de « cow-boy » autonome, de résistant, vous savez, la révolution contre la Grande-Bretagne.

Et ce que cela signifie, je pense, dans ce contexte où le fédéralisme dépend tellement des normes d'adoption de la diversité, c'est que cette vision de « non-conformiste » ou de « cow-boy » est finalement nuisible, car nous constatons de plus en plus aux États-Unis que nous devons nous appuyer sur ces normes, des normes collectivistes, des normes prosociales et de bienveillance les uns envers les autres, et dans cette entreprise que nous pouvons construire ensemble.

Et donc, et c'est là que je prends des risques, et je vous demande de faire preuve d'indulgence avec moi parce qu'il fut un temps où je voulais vraiment déménager au Canada. Je répondais toujours à des invitations, étant donné que j'adore le Canada, mais je suis une étrangère.

Toutefois, je pense que le Canada peut avoir un certain avantage tel que je le percevais en tant qu'étrangère, à savoir celui de tolérer la différence beaucoup mieux qu'aux États-Unis, d'avoir une sorte de point de vue presque universel selon lequel nous ne nous attendons pas à ce que tout le monde soit identique. De plus, le Canada est fort.

En fait, comme Benoît l'a si joliment souligné, ce sont ces différences qui font du Canada le pays que l'on connaît aujourd'hui et ce dernier est fort en raison de ces différences, mais cette situation est également très fragile, et donc, même s'il est robuste, il a cette fragilité qui nécessite un travail constant et continu pour pouvoir maintenir cette robustesse.

Charles Breton : Et c'est un travail intéressant et continu que représente cette capacité d'adaptation.

Jenna parle beaucoup de cette nécessité-là pour les fédérations de s'adapter et de ne pas être rigide. Pour vous, quels sont les éléments qui permettent à la Fédération canadienne de s'adapter? Ces éléments-là qui lui permettent de ne pas être obligée, ou peut-être qu'au contraire, vous pensez qu'elle est trop rigide? Mais il y a sûrement des éléments dans les institutions de la Fédération canadienne qui lui permettent de s'adapter, n'est-ce-pas?

Benoît Pelletier : Oui, la question m'est adressée, Charles?

Charles Breton : Oui, tout à fait!

Benoît Pelletier : Oui, merci! Alors d'abord, je dois dire que Jenna a tout à fait raison de parler de la robustesse du régime fédéral.

J'aime beaucoup ce concept de fédéralisme robuste. Pour moi, un fédéralisme robuste est un fédéralisme flexible, et il est robuste parce qu'il est flexible.

Et je pense que Jenna et moi partageons le même point de vue sur cette question. Ce que je veux dire ici, c'est que le fédéralisme devrait pouvoir s'adapter aux différents contextes sociodémographiques et sociopolitiques qui existent en son sein, et par exemple, le Canada devrait voir la spécificité du Québec comme étant un atout, comme étant quelque chose de bénéfique pour le pays, non comme un obstacle à l'unité du Canada.

Ma crainte est qu'il n'y ait pas assez de Canadiens qui croient que la spécificité du Québec constitue un tel atout pour le pays. Je pense que beaucoup de gens pensent que la spécificité du Québec n'est bonne qu'au Québec et qu'elle pourrait s'exprimer, mais sur le territoire québécois seulement, alors qu'en fait, je crois que le Canada dans son ensemble devrait de plus en plus promouvoir la spécificité du Québec.

Et quand j'étais en politique, j'ai promu le fédéralisme asymétrique.Le fédéralisme asymétrique, ce n'est pas un fédéralisme asymétrique à tout crin, ce n'est pas un fédéralisme asymétrique tous azimuts, mais c'est un fédéralisme qui réussit à s'adapter aux différents besoins des provinces canadiennes tout en gardant évidemment des valeurs communes, tout en gardant des richesses communes, tout en gardant un pouvoir fédéral qui soit substantiel et qui soit fort.

Donc, ce concept de fédéralisme asymétrique est quelque chose auquel, en fait, certains fédéralistes n'ont pas adhéré. Certains fédéralistes se sont opposés à ce concept de fédéralisme asymétrique que j'ai promu lorsque j'étais en politique.

Mais à mon avis, l'avenir du Canada réside dans un tel concept. Ce que je veux dire ici, c'est que le Canada devrait être plus flexible qu'il ne l'est actuellement. Il manque de flexibilité à mon avis, mais la flexibilité est certainement une des valeurs du fédéralisme qu'il faut promouvoir et chérir.

Charles Breton : Donc, si je comprends bien, ce que vous disiez, c'est que pour vous, un des principaux outils dont dispose le Canada pour être robuste et flexible serait probablement la possibilité d'un fédéralisme asymétrique tel que vous l'entendez, n'est-ce pas? Est-ce que c'est ce que vous diriez, que c'est probablement l'un des meilleurs outils dont il dispose pour reconnaître certaines des spécificités du Québec, mais aussi celles des autres provinces?

Benoît Pelletier : Oui, et cela passe par des accords administratifs ou des accords intergouvernementaux, par exemple. Il pourrait y avoir et il devrait y avoir des ententes entre le gouvernement fédéral et les provinces ou certaines provinces ou l'une des provinces pour répondre aux besoins particuliers de la province, mais encore une fois, ce n'est pas du fédéralisme asymétrique à tout prix. C'est du fédéralisme asymétrique tant que le Canada continue d'être un État fédéral.

À un moment donné, l'asymétrie est quelque chose qui, en fait, va à l'encontre du principe du fédéralisme. Trop d'asymétrie, ce n'est pas bon pour le fédéralisme, tout comme trop de centralisation, ce n'est pas bon pour le fédéralisme. Je promeus donc une forme limitée de fédéralisme symétrique.

Charles Breton : Je souhaite revenir aux propos de Jenna. Vous avez mentionné les changements climatiques et j'aimerais évoquer de nouveaux défis qui sont peut-être différents des défis historiques que les deux pays, que ce soit les États-Unis ou le Canada, ont eus avec le fédéralisme.

Et je m'interroge sur les changements climatiques dans le sens où, est-ce que les changements climatiques sont un nouveau type de fédéralisme? Par exemple, les changements climatiques sont une nouveauté d'une certaine manière, mais en tant que type de problème auquel la fédération doit faire face, est-ce un nouveau type de défi auquel la fédération doit faire face ou y a-t-il de nouveaux défis qui sont vraiment propres à l'époque où nous vivons, qui sont le produit de l'époque où nous vivons, et que les fédérations affrontent ou doivent affronter?

Jenna Bednar : C'est une question extrêmement riche, mais je voudrais préciser une chose à propos de ce que Benoît a dit – Charles, je reviens à votre question.

Charles Breton : Parfait.

Jenna Bednar : Mais je me souviens peut-être mal d'une partie, alors je vais simplement écrire une note.

Charles Breton : Je peux aussi me répéter.

Jenna Bednar : Je pensais justement au fédéralisme asymétrique, parce que ce n'est pas quelque chose que nous avons, une fédération juridiquement asymétrique, c'est-à-dire qu'il y a des arrangements juridiques, des droits et des responsabilités différents d'une province à l'autre.

Et donc, si je devais présenter ce concept à l'Américain typique, il penserait que c'est de la folie parce que nous n'avons pas cela aux États-Unis, même si ce concept existe de fait.

Donc, quand je parlais du pouvoir du portefeuille ou de l'utilisation des pouvoirs de dépenser, il y a des États qui sont beaucoup mieux isolés que d'autres, comme la Californie, c'est sûr, son économie est massive. Elle ne dépend pas autant du gouvernement fédéral.

Et en fait, le gouvernement fédéral est beaucoup plus dépendant des flux de trésorerie de la population californienne qui lui sont redistribués, et cela place donc la Californie dans une position assez privilégiée.

Et donc, je pense que nous pourrions dire qu'aux États-Unis, nous avons un fédéralisme asymétrique de facto, et si c'est le cas, ce n'est peut-être pas très juste et on voudrait y remédier par une reconnaissance juridique sous la forme proposée par Benoît.

Je pense que c'est super intéressant et que c'est peut-être une façon de rendre tout le système plus juste, même si la première réaction à ça peut consister à se dire que l'on souhaite privilégier une province plutôt qu'une autre, mais au lieu de ça, cela représente peut-être un moyen d'inciter à un comportement plus équitable.

Je tenais simplement à dire merci à Benoît pour cela parce que cela m'amène à penser à la fédération américaine de manière légèrement différente.

Maintenant, revenons à cette question, à savoir si les changements climatiques sont un type de problème différent pour les régimes politiques et pour les systèmes fédéraux en particulier, et je pense que vous avez également demandé s'il y avait autre chose qui y ressemblait.

Eh bien, je poserais d'abord la question de savoir s'il y a quelque chose du genre. Dans le contexte américain, nous sommes vraiment au milieu d'un bilan massif de notre passé raciste, et ce passé raciste est très lié au fédéralisme. En effet, si certains États se sont dirigés vers l'équité 100 ans avant les autres et que le Congrès américain a finalement pris une position ferme contre les pratiques discriminatoires dans certains États du Sud, il a simplement adopté une ligne relativement dure en refusant l'autonomie à certains États afin d'apporter cette correction.

Et cet héritage, franchement, a conduit les progressistes aux États-Unis à abandonner le fédéralisme. Souvenez-vous, j'ai commencé par l'idée que le fédéralisme est ennuyeux. Eh bien, ils auraient des mots beaucoup plus juteux pour décrire ce qu'ils pensent du fédéralisme, et donc pour eux, tout ce qui se passait au niveau de l'État pouvait dérailler et prendre une direction raciste, et ils ont donc toujours pratiqué une stratégie consistant à vouloir centraliser les choses.

Donc, c'est une conversation plus compliquée, mais que je pensais présenter.

En ce qui concerne les changements climatiques, comme je l'ai dit, nous estimons qu'il s'agit d'un problème mondial. Nous devons donc apporter la solution au plus haut niveau possible, et ce n'est pas seulement une réaction intuitive, mais probablement la bonne réaction à avoir.

Mais la question est de savoir si vous voulez laisser derrière vous les gouvernements locaux et de l'État ou provinciaux au fur et à mesure que vous progressez dans ce domaine. C'est-à-dire, voulons-nous simplement la centralisation ou voulons-nous la collaboration?

Et je pense que c'est un exemple parfait de situation où nous avons besoin de collaboration, parce que les changements climatiques – vous pouvez me guider à travers les effets au Canada, mais je peux vous faire faire le tour de la carte aux États-Unis, en commençant un peu plus tôt cette semaine par l'ouragan en Floride et les sécheresses à l'ouest et les incendies de forêt et la baisse générale de la disponibilité de l'eau à l'ouest, mais ensuite à l'est, l'abondance de l'eau, l'abondance catastrophique de l'eau avec les inondations et l'érosion, etc.

Tout cela est lié aux changements climatiques, mais cela se déroule de manière très différente.

La seule façon dont nous allons renforcer la volonté politique pour aborder, pour apporter le changement que nous devons apporter à l'échelle nationale est d'embrasser les réalités sur le terrain, faire dire aux gens que le problème est juste ici et que c'est celui sur lequel nous devons travailler, puis aider tout le monde à voir à quel point c'est lié.

Je vois donc cela comme une occasion parfaite de promouvoir un processus collaboratif plutôt qu'un processus concurrentiel.

Charles Breton : Et d'une certaine manière, ce que vous dites, c'est que, oui, nous avons besoin d'une approche nationale, mais une approche nationale n'a pas besoin d'être une approche fédérale venant du gouvernement fédéral.

[Jenna Bednar hoche la tête]

Jenna Bednar : Oui.

Charles Breton : Je vous vois tous les deux hocher la tête, ce qui signifie que j'ai raison.

Benoît, de votre côté, est-ce que vous voyez, vous, des défis pour la Fédération canadienne qui sont peut-être différents de ceux auxquels on est habitué par le passé? Ou c'est plutôt les mêmes défis qui reviennent et peut-être que la solution n'est pas toujours la même, mais ça semble toujours le même défi, celui, comme vous en avez parlé plutôt, celui d'embrasser l'autonomie des provinces et la diversité? Est-ce que vous en voyez des nouveaux défis peut-être, qui vont demander à la Fédération canadienne de s'adapter peut-être différemment?

Benoît Pelletier : Oui, bien entendu! Vous avez mentionné le dossier des changements climatiques à titre d'exemple, qui est un bel exemple, où justement, il peut y avoir une meilleure collaboration fédérale - provinciale et il doit y avoir une meilleure collaboration au fédéral - provincial. Je pense également au dossier des armes à feu dont on discute beaucoup par les temps qui courent. Il y a beaucoup de beaux dossiers. En fait, le dossier autochtone est un dossier qui va occasionner littéralement une révolution du droit.

On avait l'habitude de se représenter le Canada comme étant un pays défini par deux langues officielles et une dualité linguistique, les francophones, les anglophones, etc., mais les Autochtones vont-ils provoquer une véritable révolution dans notre façon de voir le Canada? La vision dualiste du Canada devra être revue à la lumière de l'émergence des peuples autochtones au Canada.

Il va y avoir une véritable révolution du droit à la lumière du dossier autochtone, j'en suis convaincu, et je dirais que c'est le plus gros défi auquel le Canada va devoir faire face. Le plus gros défi, c'est vraiment de s'ajuster et de se réajuster en fonction de l'émergence du dossier autochtone. Mais vous savez, je parlais il y a un instant de la collaboration fédérale - provinciale et bien, quand nous avons formé le gouvernement, nous, au Québec en 2003, nous avons pris l'initiative de créer le Conseil de la fédération.

Un des buts du Conseil de la fédération qui existe depuis 2003, un des buts était, au départ, de s'assurer que les provinces avaient leur mot à dire sur la définition du Canada de demain. L'objectif n'était pas seulement de renforcer les relations entre les provinces et les territoires. Il consistait aussi à s'assurer que les provinces participent aux grandes décisions qui concernent l'avenir du Canada.

Donc, c'est lié à ce que vous venez de dire, Charles.

Quand vous avez dit : « Bon, mais dans le fond, à ce que les provinces ne devraient pas être invitées? »  Mais enfin, vous avez dit : « À redéfinir le Canada, à participer à la définition du Canada. » Mais, c'est justement ça, c'est l'un des défis du Canada aussi. L'un des défis du Canada va être de s'assurer que les provinces participent davantage à la définition du Canada de demain.

C'est l'un des défis auxquels le Canada doit faire face et que le gouvernement fédéral devra relever ou, je l'espère, relèvera à l'avenir.

Charles Breton : Je veux revenir sur quelque chose que Jenna a dit. Je ne pense pas que ce soit dans votre présentation. C'était plus loin, dans une réponse à une question, où on parlait des gens comme représentant aussi une garantie.

Et je veux parler un peu de ce rôle et du rôle des gens dans la solidité du fédéralisme, et non pas des politiciens, mais des vrais Canadiens et citoyens.

Par définition, le gouvernement central ou fédéral est plus éloigné des citoyens. C'est dans leur quotidien. Ce n'est pas nécessairement ce qu'ils voient, non? De la même manière que leur administration municipale est beaucoup plus présente dans leur vie de tous les jours que leur gouvernement provincial.

Mais comment une fédération s'y prend-elle pour garder ces gens attachés à elle, à ce gouvernement fédéral qu'ils ne voient pas nécessairement dans leur vie de tous les jours, à cette présence d'un gouvernement plus éloigné, au fond? Comment pouvons-nous garder les gens attachés à ce gouvernement qui peut sembler, encore une fois, pas toujours, dans la vie de tous les jours, comme quelque chose qui est éloigné pour en faire quelque chose qui peut alimenter votre identité et à qui vous vous identifiez et qui, selon vous, représente le mieux vos intérêts.

Il y a là un problème pour un gouvernement fédéral, et c'est de s'assurer que les gens continuent de sentir que leurs intérêts sont également représentés au sein du gouvernement fédéral.

Jenna Bednar : Oui, c'est une question très délicate, délicate à bien des égards parce que dans un système fédéral, nous ne voulons pas seulement que les gens s'identifient au gouvernement fédéral, mais aussi – désolée, au gouvernement national seul, en quelque sorte de la façon dont Benoît parlait avec les plus jeunes, en pensant qu'il n'y a qu'Ottawa.

Ce que nous avions l'habitude d'avoir, c'est une éducation civique qui était offerte dans nos écoles publiques et qui aidait les gens à développer une compréhension commune de notre passé commun et de notre avenir commun pour de nombreuses raisons qui ont été anéanties aux États-Unis. Je ne sais pas où cela en est au Canada.

Et c'est en fait parce que je me soucie tellement de l'importance des normes démocratiques, du maintien de notre démocratie, et du fait que les normes se construisent et se renforcent d'une personne à l'autre et que je crois vraiment en tout ça.

Maintenant, c'est un travail séparé et je n'en suis qu'au début de ce travail, mais j'essaie de mieux comprendre comment, à travers les communautés locales, nous pouvons construire un fédéralisme inclusif.

Donc, l'une des préoccupations est que si vous décentralisez trop, vous créez alors un fédéralisme de forteresse. Vous créez des capacités pour que les gens se rassemblent, s'identifient les uns aux autres et contre tout le monde, et c'est ce genre de dynamique concurrentielle, voire pire encore, qui peut être destructrice ou nous faire manquer des occasions.

Et donc, j'essaie de mieux comprendre comment nous pourrions, au lieu de construire ce fédéralisme de forteresse, construire sur ce terrain poreux, construire un sentiment d'identité locale, mais qui reconnaît notre interdépendance avec les autres, et je suppose que tout ce que je peux dire, c'est qu'il faut rester à l'écoute.

La première étape pour nous tous en science politique est de reconnaître que c'est un besoin, et ensuite, à partir de là, nous pouvons avancer en essayant de mieux comprendre comment construire ces valeurs et ces normes. Pour moi, en tant qu'Américaine très inquiète, il s'agit de tenter de reconstruire les remparts qui soutiennent notre démocratie.

Charles Breton : Et enfin, avant de passer aux questions, je vais poser une question qui peut être perçue comme une « colle ». Je vous demande de m'excuser si c'est le cas, mais notre public ici est la fonction publique fédérale. Alors, la question est de savoir comment percevoir leur rôle dans la solidité de la Fédération canadienne étant donné qu'un grand nombre de ces personnes dans l'auditoire occupent des emplois complètement différents au sein de la fonction publique. On ne peut donc pas parler pour tout le monde.

Mais de façon générale, comment pourrions-nous voir le rôle de la fonction publique fédérale dans la solidité de la Fédération canadienne?

Et encore une fois, si vous voulez un peu de temps pour y réfléchir, je répondrai juste à une question qui vient du public.

Monsieur Pelletier, vous avez parlé des relations de Nations avec les Autochtones.

Vous avez parlé des peuples autochtones comme l'un des défis, ce n'est peut-être pas le bon terme, mais quelque chose que la Fédération canadienne devra accepter, c'est le fait de permettre aux gouvernements autochtones d'avoir leur mot à dire et de jouer un rôle dans la Fédération canadienne. Je dois dire que nous organiserons une séance sur ce sujet au cours de cette série, sur les peuples autochtones et la façon dont ils interagissent avec la Fédération. Donc, je vais simplement reporter la réponse à cette question. Eh bien, nous le ferons avec des personnes des communautés autochtones plus tard dans la série.

Donc, pour en revenir à vous, si vous avez une réponse à cette « colle » que je viens de vous poser, à savoir comment les gens dans l'auditoire, la fonction publique au Canada, peuvent peut-être faire ou contribuer à faire en sorte que, et je ne suis pas en train de dire que cela repose entièrement sur eux, mais comment ils peuvent peut-être aider à renforcer la Fédération canadienne.

Jenna Bednar : Et je présume que par vous, vous voulez dire moi parce que vous avez posé la question en anglais et non en français, mais avec plaisir.

Donc, oui, d'accord. Alors, réfléchissons à cela, à ces deux notions, à savoir mettre de côté le fédéralisme en tant que modèle de nuisance et penser au fédéralisme concurrentiel par rapport au fédéralisme collaboratif et au rôle que les fonctionnaires, les fonctionnaires fédéraux, peuvent jouer dans la gestion de ces deux notions ou, en particulier, le moment où il existe des occasions de nous faire passer d'une interaction concurrentielle à une interaction collaborative.

Et donc, rappelez-vous quand je parlais de ce que nous n'avons pas aux États-Unis, les institutions qui soutiennent le dialogue, la collaboration, pour arriver à croire que nous partageons des valeurs et assurément pour aligner nos actions, vous savez, ces deux aspects de ce qui fait quelque chose de collaboratif, cela est très exigeant. C'est un type de relation très complexe.

La concurrence est vraiment facile, la collaboration n'est pas facile. Cela signifie prendre le temps d'écouter et de prendre le temps non seulement d'écouter, mais aussi d'entendre et d'intégrer.

Et donc, je pense que l'une des meilleures choses – et comme je l'ai dit, j'ai l'impression que vous avez déjà certains avantages liés à des institutions qui permettent de créer ces dialogues, mais les prendre très au sérieux et avoir un tel état d'esprit ce n'est pas – nous n'avons pas nécessairement toujours besoin de nous affronter, mais il peut y avoir des occasions de collaboration.

Donc, il s'agit simplement de s'arrêter un instant, d'être patient et de voir si cette occasion peut se présenter et de reconnaître que vous avez un rôle vraiment important à jouer dans la réussite de ce processus, cela pourrait contribuer grandement à assurer la solidité des systèmes fédéraux canadiens.

Charles Breton : Et Benoît, pour vous, quel rôle voyez-vous pour la Fonction publique fédérale dans la création de cette Fédération canadienne, robuste?

Benoît Pelletier :Oui, mais d'abord, je dois mentionner, Charles, que moi, j'ai commencé ma carrière comme avocat pour le ministère de la Justice du Canada. J'ai fait ça pendant sept ans, donc j'ai pu m'initier à la Fonction publique fédérale et aujourd'hui, et bien c'est avec plaisir que je m'adresse à vous tous et toutes. Mais je pense vraiment qu'il y a trois points : le premier point, c'est qu'il faut s'interroger sur, dans le fond, le fédéralisme coopératif. Et Jenna vient de mentionner le concept de  « fédéralisme coopératif » [...]

-- et c'est aussi un concept qui est invoqué à l'occasion par la Cour suprême du Canada. En fait, à de nombreuses reprises, la Cour suprême du Canada a invoqué cette nécessité du fédéralisme coopératif au Canada.

La deuxième chose, moi, je dirais, que je recommande, c'est l'ouverture d'esprit. L'ouverture d'esprit notamment, je dis bien notamment, par rapport aux Autochtones au Canada, par rapport à l'ensemble de la francophonie canadienne, parce que j'ai beaucoup parlé du Québec, mais moi, j'ai beaucoup à cœur aussi l'ensemble de la francophonie canadienne, c'est-à-dire tous ces Francophones, ces Francophiles qui vivent en situation minoritaire et qui font également partie de la définition du Canada d'aujourd'hui. Et bien entendu, il y a les groupes minoritaires dans la société auxquels il faut porter attention avec leurs droits constitutionnels et tout simplement, je dirais, leur droit d'exister et le droit de s'épanouir dans la société canadienne.

Donc, le premier point serait le fédéralisme coopératif. Le deuxième point serait, je dirais, les valeurs canadiennes, un examen ou une analyse de ce qui forme les valeurs canadiennes aujourd'hui, et le troisième point est l'ouverture.

Une ouverture d'esprit dans tous les dossiers ne peut qu'être profitable pour l'État canadien.

Charles Breton : Alors, Jenna, Benoît, merci beaucoup!

Cela a été une conversation vraiment éclairante, une conversation qui, je pense, prépare vraiment le terrain pour le reste de notre série, et nous avons vu arriver des questions qui feront partie de l'avenir de la série, car avant d'approfondir les questions sur la façon dont les ressources sont réparties entre les ordres de gouvernement ou le fédéralisme aide ou entrave le développement économique, et des questions comme celles-là, il était essentiel, je pense, d'avoir une meilleure compréhension, vraiment, des fondements théoriques du fédéralisme et de ce qui fait la solidité d'une fédération.

Et après les événements récents, qu'il s'agisse des élections québécoises du début de la semaine ou des résultats à la direction du Parti conservateur uni de l'Alberta hier soir, il est peut-être rassurant de savoir que la Fédération canadienne et ses institutions ont su s'adapter aux défis du passé et ont les outils nécessaires pour constituer une fédération solide capable de relever réellement les défis à venir.

J'aimerais remercier nos panélistes et vous tous, à travers le pays, d'avoir participés à cet événement. J'espère que vous avez apprécié l'événement autant que moi.

Vos commentaires sont très importants pour nous et je vous invite à remplir l'évaluation électronique que vous recevrez dans les prochains jours. L'École a d'autres événements à vous offrir et je vous encourage à visiter son site Web pour vous tenir au courant et vous inscrire à toutes les occasions d'apprentissage futures, y compris cette série qui se poursuivra mensuellement cette année et l'an prochain.

Encore une fois, merci et bonne journée à tous.

Benoît Pelletier : Au!

[La conversation vidéo laisse place au logo de l'EFPC, puis à un écran noir.]

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